
Philippe Charlot & Éric Hübsch, La Chandelle du bon roy Henri
Quand le corps relâche…
Philippe Charlot a déjà régalé ses lecteurs en mettant en scène des problèmes physiques bien triviaux qui ramènent des « géants » à une dimension bien humaine. Avec Royal Fondement il a évoqué avec humour les soucis du roi Louis XIV quant à ses parties anales.
Il revient dans la même veine, s’intéressant cette fois à Henri IV, une figure historique de la séduction. On lui prête tant de succès auprès des dames qu’on lui a donné le surnom de Vert-Galant. C’est autour des organes utiles pour ce faire que le scénariste développe son histoire, incapacitant ce roi.
En cet an de grâce 1594, à Paris, la science veut l’emporter sur la voyance et les rebouteux. Mais le médecin du roi fait appel aux filtres confectionnés par une sorcière pour rendre sa vigueur au souverain.
Arrive dans la capitale, Mathilde, une jeune fille qui approche de ses 18 ans et veut trouver l’oiseau rare. Elle doit rejoindre le Pont Neuf où officie sa tante, Bertille du Livarot, une fameuse voyante. Celle-ci, ne la reconnaissant pas, lui prédit l’amour avec le premier homme à qui elle adressera la parole et un sourire.
Henri IV est dans les rues pour se faire applaudir par le peuple. C’est le cheval du roi qui bouscule Mathilde et l’amène à parler au cavalier. Pourtant, lorsqu’elle chute après avoir butté sur une pierre, c’est Thibault, un saltimbanque qui pratique l’hypnose, qui lui parle et à qui elle sourit. Mais qui du jeune homme ou du roi est la cible de la prophétie ? Et les circonstances amènent les deux jeunes gens à être mêlés aux soucis d’érection et de prostate du souverain…
Pour faire vivre son récit, le scénariste, outre le roi, conçoit un groupe d’intervenants représentatifs des principales couches sociales et professionnelles de l’époque. Thibault possède l’art de l’hypnose et monte des attractions avec son meilleur ami, son frère qu’il ne veut pas quitter. Le médecin du roi met en avant la science tout en utilisant les recettes des sorcières. Or, à cette période, faire appel à ce type de soignant assurait de grandes souffrances et souvent la mort engendrée par les soins dispensés. Près du roi, un Jésuite, sombre à souhait, complote pour faire de sa religion la seule autorisée. Et Mathilde, par les prédictions de sa tante, est partagée entre l’amour pour ce jeune homme et l’accès au lit du souverain.
Avec ces personnages, plus quelques autres tout aussi flamboyants, Philippe Charlot signe une histoire très humoristique par les situations cocasses et par les dialogues savoureux.
Le graphisme est l’œuvre d’Éric Hübsch et de Sébastien Bouet. Le premier, avec un dessin semi-réaliste, sait rendre désopilantes les nombreuses scènes, même les plus complexes, tout en maintenant une fluidité parfaite dans la narration. Il donne des tronches superbes aux individus mâles et des minois très agréables aux dames et demoiselles.
Avec ce nouvel album qui instruit sur les mésaventures triviales des grands de ce monde, les auteurs offrent un grand moment de lecture plaisir tant le récit est drôle et pétillant, et la mise en images réussie.
serge perraud
Philippe Charlot (scénario) Éric Hübsch (dessins) & Sébastien Bouet (couleurs), La Chandelle du bon roy Henri, Bamboo, label Grand Angle, janvier 2025, 64 p. – 16,90 €.