Paul Sanda, Les mystérieuses barricades d’Olivier Larronde

Paul Sanda, Les mystérieuses barricades d’Olivier Larronde

Dans ce brillant essai sur un poète trop rare et oublié, Paul Sanda a évité de le réduire à l’expression « Poète maudit ». Proche de l’alchimie, de l’ésotérisme et du surréalisme il appartient plus sûrement à l’ordre des poètes voyants : certes d’accès difficile, incompris de ses contemporains, puis reconnu post- mortem et parmi les dangereux de la langue tout en vivant parfois de manière autodestructrice.

Il fait partie des Rimbaud, Nerval, Baudelaire, Lautréamont, Artaud même si, et comme le rappelle Sanda, rien, pourtant, ne le prédestinait à un destin hors normes. Il est né en 1927 dans une famille bourgeoise, de père journaliste, critique littéraire, poète, et d’une mère fantasque et férue de parapsychologie. Il a vécu d’abord heureux avec sa sœur jusqu’à une faille.

Son père meurt dans la débâcle de 1939 et sa petite sœur disparaît à quatorze ans. Très affecté, il est pris en charge par son grand-père et poursuit ses études dans un collège de frères maristes dont il supporte si mal l’instruction. Il décide d’en rester là et se décrit à sa mère : « absolument incapable d’assimiler sans vomissement ce tissu de monstruosités et de balourdises qui forment l’enseignement classique que je ne peux ni ne veux accepter la moindre transaction avec mes convictions, mes sensations, la moindre transaction avec moi-même… »

Cancre de génie, il se nourrit des grands poètes, en assimile la quintessence et écrit les premiers textes de son recueil « Les barricades mystérieuses » où il affirme : « Quand l’aurore me donne à sa serre féline, / Plus l’indiscret oiseau dont je suis la volière : / Mésange – cœur de fraise – aux tortures encline / Qui me met en morceaux comme on casse les œufs. ». La nuit portée sur ses épaules, dans sa détresse et la mort il voisine sous la carapace de certains sacrilèges.

A seize ans, il décide de partir à Paris dont dit-il « Un élément animal le transfigure et provoque sa métamorphose. ». Puis grâce à Cocteau, il rencontre Jean Genet qui le présentera à son éditeur Marc Barbezat qui éditera son premier ouvrage aux éditions de l’Arbalète. Il est reconnu entre autres par Michel Leiris, ou Raymond Queneau. Mais atteignant le sommet d’un Kamtchatka poétique, il sombre peu à peu en compagnie de son compagnon. Ils mènent une vie de dilettante cassée chez le poète par des crises d’épilepsie récurrentes qu’il tente de soulager par l’opium pour résister à son ombre dévoré par des « chiens ».

Il va ensuite abandonner peu à peu l’écriture et troquer la pipe pour la bouteille de rouge suivant là l’inéluctable chemin d’épines qui le mènera au cimetière de Samoreau où il repose depuis 1965 à côté de la tombe de Mallarmé.
Paul Sanda, mêlant sa vie à celle de Larronde, montre la profondeur de l’univers de ce dernier. L’essayiste souligne les trésors d’inventivité du poète en s’enfonçant dans l’inconnu du labyrinthe de l’inconscient. Sa raison se disloqua, et pris entre fonction libératrice et enfermement psychique, un tel écorché vif plongea dans son vide par des gestes qui le firent sombrer.

jean-paul gavard-perret

Paul Sanda, Les mystérieuses barricades d’Olivier Larronde, Editions Douro, coll. Résonances, 2025, 145 p. – 17,00 €.

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