Olivier Barbarant, Partitas pour violon seul

Olivier Barbarant, Partitas pour violon seul

D’être ou exister

« Le violon disait aux uns que leur temps était venu, aux autres que leur temps était fini », note en exergue Vassili Grossman. Et comme lui avec ses poèmes, Olivier Barbarant évoque sa vie et son destin sans tenter de rejouer la partition d’un seul violon qui évoque au besoin des partitions symphoniques pour éclairer, à l’épreuve du temps, sa gouverne.

À la suite de Bach, mais avec ses modestes moyens, l’auteur recrée « un chant de catastrophe » mais aussi le « lieu d’un réveil », là où parlant de lui chacun est évoqué. Pour preuve, si « la vraie vie parie sur le givre / qu’on regarde aux fenêtres fondre », se repère la dimension porteuse d’opacité, de relief de toute existence faite de beauté et d’âpreté, de vérité et d’apparence.

Dans une telle narration d’équilibres le poète remonte au premier temps : « On le croirait endormi, / écroulé dans le sommeil comme seule y parvient /la toute première enfance, ». Il vivotait, d’une part, sage, obéissant, innocent mais comprenait déjà ce qui résistait le regard trouble et effrayé jusqu’à l’époque « il ne voit plus rien de la mer qui, / galon d’argent, doux clapotis, /continue seule à respirer. »
Plus tard et encore adolescent, le beau mot Amour sort des écoles et l’ambition itou de devenir poète (comme Hugo, Gide, Verlaine ou Louise Michel) ou pianiste construisant du bord du gouffre le clone d’un Gould – celui de l’ultime version des « Variations Goldberg ».

L’objectif reste les histoires de coeur face à celle de l’Histoire plus ou moins compréhensible et où Barbarant feint d’oublier ses exercices de lucidité et de présence. Le monde passe. Accompagné de son père (somnolant) pour le cornaquer – celui-ci le suit « jusqu’à la proche brasserie : / bière pour tous, sauf une limonade, / et l’éternelle saucisse-frites qui conservera pour toujours /le goût salé des espérances. ». Et à force, cela construit une existence.

Exit l’enfance, l’adolescence, les premières expériences ratées, vibrant de vivre et d’entendre un concert de Theodorakis pour chanter la fin des colonels grecs. Si bien que peu à peu le soleil tend à se relever. A Paris ou ailleurs, l’être se fait capable de « marcher entre deux eaux grises » ou deux quais de Seine par ses créations de l’imaginaire (poésie, peinture, musique) quand l’étain des jours ternes se met à briller.

Le tout dans une sorte d’instantané de vies et d’histoires mêlées. S’y recréent une nouvelle identité et quelque chose de nouveau. Même si le doute est là. Mais ces poèmes deviennent la symphonie sensible d’un repli autant intérieur qu’extérieur (cause parfois de grands saccages politiques).
Olivier Barbarant interprète toutefois en virtuose son morceau de musique où se dispersent les cendres du temps. Cela pourrait être facile lorsqu’il n’y a plus personne ou presque lorsqu’une ville frêle et assoupie devient une vieille dame solitaire. Mais le violon sur les toits de zinc du poète cache sa tendresse même si ceux-ci se recouvrent d’un rideau de rouille.

jean-paul gavard-perret

Olivier Barbarant, Partitas pour violon seul, Gallimard, collection Blanche, 2024, 95 p. – 19,00 €.

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