Ernestine Chasseboeuf, Ernestine écrit partout – Volume 2 : 2000-2003

Ernestine Chasseboeuf, Ernestine écrit partout – Volume 2 : 2000-2003

Ernestine, digne râleuse de 94 printemps, met son énergie à râler tous azimuts par épîtres interposées

Le peuple de râleurs que nous sommes a trouvé une excellente représentante dans la personne d’Ernestine Chasseboeuf. Plus râleuse qu’elle ça n’existe pas. Évidemment, à 94 ans elle n’en est plus à ses débuts. Râler est même devenu pour elle une activité à plein temps, en écrivant sa façon de penser à ceux qui, selon elle, polluent l’air de l’époque. Chacun a eu, a ou aura droit à sa lettre, dont certaines, lues par Jean Lebrun sur France Culture dans son émission Pot-au-feu, ont déjà été réunies dans un livre paru en 1999. Devant le succès de ce premier volume et parce qu’il y a toujours et chaque jour matière à critiquer, la voici qui poursuit sa croisade dans un volume 2.

Multiples sont les secteurs et les destinataires qui ont droit aux remontrances d’Ernestine. En vrac, le monde des entreprises, des auteurs, du cinéma, de l’armée de l’air, des medias, de la politique, de l’éducation, de la pub, de l’édition. En vrac encore, ceux qui ont un pouvoir de décision dans notre pays, Messieurs Gaumont, Delanoë, Chirac, Olivier Barrot, Michel Rocard, Frank Riboud, entre autres. Du haut de son certificat d’études et du fond de son habitation troglodyte du Maine-et-Loire, Ernestine n’a peur de personne. Ses rouspétances sont naïves et savoureuses. Elle s’attaque à ces choses qui l’énervent comme les étiquettes mal fichues sur les pots de cornichons, les fauteuils de cinéma défoncés, les avions qui font rater les couvées, les pieds gonflés, les boulettes noires sur les plages qui tachent ses robes et gâchent ses pique-niques, les livres de poche dont les pages se décollent. Elle n’y va pas non plus par quatre chemins à propos des Le Pen et compagnie, du prêt payant dans les bibliothèques, des économies solidaires dont on parle sans cesse sans en voir jamais la couleur.

Mais Ernestine ne fait pas que grogner. Elle a des idées, qu’elle propose généreusement aux quatre coins de l’Hexagone. Les vraies tartines distribuées dans les écoles à quatre heures, si ça se fait un jour, ce sera grâce à elle. Pour Jean-Pierre Brisset intronisé Prince des Penseurs en 1913 – et son cousin par feu son mari -, elle réclame une rue à Delanoë. Elle demande à Alain Rey de le faire figurer dans le Robert. Au chef de la nouvelle gare de Saint-Laud, de la baptiser du nom de Brisset. Elle fait circuler une pétition. Elle se mobilise tout autant pour nos ancêtres les grenouilles, et cultive une passion absolue pour les brouettes. Parfois même pour un de ses correspondants, de son écriture tremblotante elle se fend d’un poème ou d’une chanson.
 
Alors face à cette vénérable dame et son énergie si débordante pour son grand âge, on est pris d’un doute. Ernestine trop belle pour être vraie ? C’est en effet la question qui vient assez vite. Qui s’impose. Car Ernestine est vraiment trop. On sent comme le travail d’un auteur bien caché derrière elle, comme si à chaque page quelqu’un se creusait la cervelle pour nous faire une lettre tournée à point et nous faire rire. Faut-il saluer son humour ou celui d’Ernestine ? Son sens de la caricature ? Toutes les vraies Ernestine qui l’ont inspiré ? Le résultat, quoi qu’il en soit, fabriqué ou non, est sympathique, parfois réjouissant et hilarant et, comme dirait cette blagueuse d’Ernestine selon une formule qui lui est chère, j’espère que cette lettre vous trouvera de même.

colette d’orgeval

   
 

Ernestine Chasseboeuf (illustrations de Quentin Faucompré), Ernestine écrit partout – Volume 2 : 2000-2003, Ginkgo éditeur, 160 p. – 9 €.

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