
Elisabetta Lurgo, Marie-Adélaïde de Savoie. Duchesse de Bourgogne, mère de Louis XV
Elle aurait dû être reine de France. Elle ne fut que princesse, éphémère dauphine, emportée dans la mort à l’âge de vingt-six ans. Pourtant, la duchesse de Bourgogne ne souffre pas de l’oubli, à la différence de la dauphine Marie-Anne de Bavière, belle-fille de Louis XIV. Sans doute parce que, mère du futur Louis XV, elle illumina la Cour vieillissante du Roi Soleil, dont elle fut l’ultime astre. De nombreuses biographies lui furent consacrées, mais on retiendra plus particulièrement celle d’Elisabetta Lurgo.
Outre la grande qualité de l’écriture, qui en rend la lecture très agréable, l’ouvrage se distingue par un souci de la psychologie des personnages mais avec toute la prudence qui sied à l’historien, ce qui évite les affirmations hasardeuses. On voit ainsi défiler les grands noms du Grand Siècle, Mme de Maintenon, Monsieur, le duc d’Orléans futur régent, la princesse Palatine, le Grand Dauphin et ses trois fils, et bien sûr le fielleux Saint-Simon.
Bref, une plongée dans l’univers, à la fois étincelant, rigidifié et étouffant, de la Cour de Versailles, créé par et pour Louis XIV. La petite fille, venue de Turin, dut en apprendre les codes et les règles, les jeux et les pièges, passage obligé pour son futur statut de reine.
Or, dans ce palais comme dans la vie de Marie-Adélaïde, tout était politique. Et d’abord son mariage, célébré comme une consécration de l’alliance du royaume de France avec le très habile duc de Savoie, Victor-Amédée II. Et c’est là l’autre intérêt de cette biographie puisque Elisabetta Lurgo ne perd jamais le fil de la politique internationale au tournant du siècle, marquée par la guerre de Succession d’Espagne. Mariée à l’héritier du trône des Lys, Marie-Adélaïde dut subir les affres du retournement d’alliances opéré par son père, ambitieux à la tête d’un Etat fragilisé par la géographie.
On suit donc, au fil des pages, la formation de la duchesse de Bourgogne, sa lente maturité, ses difficultés d’adaptation aux règles de la Cour, ses provocations, sa liberté de manière et de parole, ses relations en réalité complexe avec Mme de Maintenon, dont elle cherchait à fuir l’influence. Et il devient vite impossible de ne pas penser à Marie-Antoinette qui se heurta aux mêmes problématiques plusieurs décennies plus tard. Et on se prend à rêver à la reine que Marie-Adélaïde aurait été…
frederic le moal
Elisabetta Lurgo, Marie-Adélaïde de Savoie. Duchesse de Bourgogne, mère de Louis XV, Perrin, février 2024, 432 p. – 24,00 €.