Julius Baltazar, Oeuvres Complètes — I à V

Le supra réalisme

Le « bar­bare au para­dis » est un monstre ver­bal, créa­teur d’une entre­prise poé­tique excep­tion­nelle. Julius Bal­ta­zar est sur­tout connu au départ par ses talents de peintre, gra­veur, illus­tra­teur remar­qués à l’origine par Mathieu, Zao Wou-Ki, Tàpies, Ben­rath, Gama­cho, etc.
En 1967, il fait la connais­sance de Sal­va­dor Dalí qui le prend immé­dia­te­ment sous son aile et le cou­ronne de son nom d’artiste : Juliu,s en réfé­rence à César et Bal­ta­zar pour le roi mage.  Il  est l’introduit dans les cercles lit­té­raires et artistiques.

Il devient proche d’Arrabal, fonde avec lui le mou­ve­ment « intra-réaliste », se lie d’amitié avec Pierre Dmi­trienko, puis ren­contre Zoé Cris­tiani qu’il épouse trois ans plus tard. Il ren­contre Raoul Ubac et, en 1978, com­mence à réa­li­ser ses livres peints et manus­crits  en grands lavis et acry­liques sur papier, dont cer­tains sont manus­crits. Il col­la­bore au spec­tacle La Pierre de la Folie d’après Arra­bal au Théâtre Plai­sance.
Il détruit une cen­taine de toiles, de gouaches et de col­lages des années 1970 à 1980. Mais après son séjour à New York, il publie de nom­breuses gra­vures. Il crée un fonds de biblio­phi­lie  de son œuvre gra­vée à la biblio­thèque muni­ci­pale d’Angers. Il  écrit des biblio­gra­phies et poème dont Cou­teaux tirés à 4 épingles et devient « Julius Bal­ta­zar, un Rim­baud déguisé en cos­mo­naute », abs­trait à l’état sau­vage et sur­tout un poète dont son ensemble de 5 tomes d’œuvres com­plètes est impressionnante.

Sa poé­sie — sur­réa­liste à sa manière — extirpe  les faux tro­phées du réel et crée des frac­tures ouvertes tel un « inconnu si mal élevé » mais qui ose tout dans cette ensemble génial. Des cli­to­ris de « simili vierges s’annihilent” dans des « draps félons » et qui, avant, ne dévoi­laient pas « les sables mou­vants de leur exil ». Mais « La pluie éco­no­mise ses futurs », les « Attou­che­ments sur carte pos­tale incen­diée », le « Péri­scopes en deuil des tem­pêtes », le »Pïa­no­rama infor­mel » et »L’alphabet des variables”   se fau­filent entre les « faux-plats de la haute cou­ture » dans tout ce qui remue ici  la langue poé­tique. Le monde est brassé par­tout d’Ocham, Bruxelles, Londres à bien d’autres lieux, temps, his­toires, véri­tés et men­songes déso­pi­lants et en trou­vailles généreuses.

Existe là une immense bouilloire érup­tive que rien n’arrête. Tout est de l’ordre d’une force excep­tion­nelle. Cela bout et brouille d’histoires des ombres et des vivants. Pré­su­més ou non.  De tout ce qui est écrit ne peut être juré de rien. Une étrange cui­sine « klaxonne » pour dire les traî­trises et les jeux de dupes. L’écriture se sur­passe d’elle-même. Si bien que le cor­pus énorme et magique dépasse toute attente autant avec de vraies fausses mélo­dies qu’en “pieds car­rés dans le pré­toire ».
Ce que Bal­ta­zar nomme une « catas­trophe » reste la plus sublime réa­li­sa­tion jusqu’au-delà de la pein­ture nour­rie par celle-là. L’auteur  assure  « un repos de l’esprit » mais — et sur­tout - il ouvre ce qui est encore inconnu et devient une des­ti­née. Elle  tue à coup de pis­to­lets les bar­rières men­tales « d’inconcevables pestes frontières ».

Quel ravis­se­ment ! Contre toute attente, il pleut ici des insom­nies et des secrets là où un monde inédit se régé­nère. Ce chef-d’oeuvre est absolu.

jean-paul gavard-perret

Julius Bal­ta­zar, Oeuvres Com­pètes I à V, L’Elocoquent édi­teur, Mont­mo­rency, 2023, cha­cun 289 p. — 29,50 €.

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