Incontestablement, Bartabas est poète. Son troisième ouvrage chez Gallimard confirme sa résistance à la flamme et l’amour quasi mystique des chevaux qui ont même en nocturne leur «nuit blanche ». Ils sont là pour que pèse toute l’émotion et l’écriture de Bartabas qui les transforme en cieux et héritage même lorsque le geste est « vers le bas ».
Existe là un écrivain qui avec douceur, précision et fidélité laisse vivre les émotions et les instants. La liberté du cheval guide les pas et les mouvements de l’auteur pour évoquer leur grand jeu. L’auteur raconte quelques évènements sur la route ou celle qui lui ressemble . Il nous rapproche de ce que peu de poètes savent évoquer eu égard à son travail et sa fraternité.
Laissant voitures de location, immeubles, champs, automne il s’autorise à sa musique et sa chorégraphie (qu’il partage parfois avec d’autres artistes dont Pina Bausch et son initiation). Son geste vers le bas reste néanmoins une irrévocable ascension par cette énergie de son art et d’une forme de joie.
Avec ses mots comme ses spectaclas, Bartabas crée un langage consistant, profond, plein de secrets, donné à la fois comme approche de rêve mais non sans risque. A la recherche du cheval, c’est comme s’il recouvrait, emballait et d’une certaine manière “cachait” l’animal. Il devient le sien et le nôtre, celui du temps aussi — pour mieux le dire et le montrer.
Tout est aussi conceptuel que physique par une poésie mise en adresse plus que simplement en scène. L’auteur fabrique des images avec de la matière poétique en des translations qui, dans leur fixité, déplacent et mettent à l’épreuve les formes qui surgissent.
Chaque poème devient le signal d’une relation humaine à la création. Dans la fabrication de cette tension qui ceint le vide et le plein dans tous ses états, le cheval reste le vaisseau-fantôme, l’enveloppe d’une pensée à venir que Bartabas épouse. En diffraction, un espace est saisi ex corpo.
jean-paul gavard-perret
Bartabas, Un geste vers le bas, Gallimard,coll. Blanche, 2024, 112 p. — 17,00 €.