Guy Martin et les heureuses accointances
Au Grand Véfour, les pupilles se font myosotis d’autant que chaque proposition culinaire du propriétaire et chef du lieu offre un nouveau vertige. A sa manière, Guy Martin est un poète surréaliste. Il n’hésite pas à oser l’encens pour sa saveur comme le pratiquait les cuisiniers des contes de la Maison de Savoie-Piémont. En habile alchimiste, il durcit cette fragrance entêtante par des fraîcheurs sur la plus simple mais sublime éclipse d’un œuf sur le plat.
Non seulement le Savoyard a redonné tout le lustre perdu à ce haut lieu gastronomique et culturel parisien, mais il le métamorphose en un cercle de poètes non disparus. La cuisine la plus innovante devient le plus beau prétexte à la rencontre de nombreux artistes contemporains internationaux. Guy Martin sait même organiser des rencontres a priori improbables. Elles permettent à de nouveaux enjeux et projets plastiques de voir le jour. En rien poseur de collets-montés ou ajusteur des lorgnons pour critiques gastronomiques grincheux, le chef invente ce qui est le plus rare : une fraternité mystérieuse. Il la soude comme dans son enfance se soudaient au coucher du soleil les crêtes roses — semblables à celles des coqs — des massifs de la Vanoise.
Avec lui, l’amitié et la cuisine sont inépuisables. La seconde crée la première par la recherche de symbioses entre diverses traditions culinaires et une estime profonde envers celles et ceux pour lesquels il propose des découvertes venue d’Indonésie, du Japon comme de la Tarentaise. Rarement la cuisine atteint un tel sommet. Elle devient affaire de sensations, d’émotions mais tout autant d’esprit. Guy Martin n’en manque pas. Et si « Diem » est le seul mot qu’il soit parvenu à tirer d’une carpe, dans son restaurant le plaisir ne reste jamais sur sa faim.
jean-paul gavard-perret
Guy Martin, Le Grand Véfour , Collection : Cuisine et vin, éditions du Chêne, Paris, 2013 , 256 p. — 75,00 €.