La nudité qui ne laisse rien voir
Plus que se situer entre l’univers de la narration ou du documentaire, Claire Prendki ouvre une poétique où travaille l’énigme de l’imaginaire mêlée d’élégance et d’humour.
Diurne ou nocturne, la poétesse demeure évanescente mais toujours troublante afin de créer un absolu particulier là où une certaine géométrie de l’espace mental dépasse un réel le plus cru. Il n est pas pour autant sacrifié mais tout est présent de manière fragile et flottante dans des éclairages de l’intimité.
Au-delà de tout cliché (même et surtout lorsqu’il s’agit de la nudité de façade effacée par celle de l’âme), l’auteure crée une théâtralité particulière. La relation au corps et à l’espace de l’âme y est revisitée, entre réalité et onirisme, afin de retrouver une présence que l’on peut parfois perdre lorsqu’on se retrouve derrière un aspect bidimensionnel ou plat.
En opposition, la sinusoïde « âminée » fait de la transparence un mixte de mensonge et de mystère. Celui-ci est donc le contraire d’une évidence. Au voyeur de se débrouiller là où le génie de Claire Prendki consiste à échapper à la médiocrité des certains regards.
C’est une manière de porter atteinte aux règles du refus de l’existence de la part de ceux et celles qui ne se moquent parfois du plaisir ou de la gravité.
Ici, les initiatives de marquer la vie sont trop nombreuses. L’auteure les remplace par des tentatives d’évasion ou des efforts de liberté. Cela permet de mettre en abyme le néant par une poétique de scansions qui se différencie du commun. La créatrice surgit souvent dans sa splendide solitude mais aussi en sa volonté de s’amuser de tout. µGrattant les dépôts du réel, elle saisit donc l’inatteignable. Il ne s’agit pas de modifier le pessimisme mais de lui provoquer une entorse. Cela reste inattendu et réussi.
jean-paul gavard-perret
Claire Prendki, L’âme sinusoïdale, Editions Constellations, Brive, 2024 — 12,00 €.