Harry Mathews, Les Derniers seront les premiers

L’endroit de l’envers

L’oeuvre poé­tique de Harry Mathews a été publiée aux États-Unis sous le titre Col­lec­ted Poems : 1946–2016 (Sand Paper Press, 2020). Cette tra­duc­tion fran­çaise inédite, par l’écrivain et poète ouli­pien Jacques Jouet et la tra­duc­trice Lau­rence Kiefé, couvre les cinq der­niers recueils de l’ensemble, 1986–2016. Les tra­duc­teurs se sont atta­chés à rendre en fran­çais l’étonnante vir­tuo­sité poé­tique de Mathews : l’expérimentation inven­tive, contem­po­raine, les contraintes for­melles (par­fois très anciennes comme la sex­tine) et l’irrépressible émer­veille­ment devant le monde, enchan­teur, drôle, douloureux.

« Il y a la méthode et il y a l’accident, il y a le tra­vail et il y a le jeu, tel­le­ment emmê­lés qu’on se demande à quoi bon les dis­tin­guer l’un de l’autre. Il y a des règles, il y a des pro­cé­dures et pour­tant, il n’y a pas de méthode infaillible… Une vie nom­mée à chaque page »  pré­cise la pré­face de Daniel Levin Becker.
Cette édi­tion de poèmes inédits en fran­çais est un évé­ne­ment depuis la mort de Harry Mathews en 2017. Il y est ques­tion de formes bizarres, de contraintes à déjouer, d’amitié et d’admiration (Rou­baud, Rous­sel, Ash­bery…), de corps et de cui­sine, d’humour et de regrets.

Avec Mathews, on peut consi­dé­rer que toute forme deve­nue consciente est conser­va­trice à par­tir de là pour éva­luer les choses, mais le poète a pris à des­sein de faibles miroi­te­ments aux contours flous, comme le retour débridé par­fois des siècles pas­sés L’oeuvre reste extra­or­di­naire : on peut savoir à l’avance com­ment finissent les choses, et peut s’ériger en prin­cipe de constric­tion l’indétermination elle-même.
Une telle voie peut aussi s’opposer à la nature, elle  réclame à grands secrets.  Manière de se conten­ter des vic­toires oubliées et d’une sal­va­tion tout sauf authen­tique.. Mathew s’est amusé et c’est un ravissement.

jean-paul gavard-perret

Harry Mat­thews, Les der­niers seront les pre­miers, P.O.L édi­tions, Paris, février 2024, 144 p. — 23,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Poésie

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