Dans la pièce radiophonique de Pinget rééditée par les éditions Zoé, « Le Chrysanthème » n’est plus la fleur trop triste fossoyeuse des morts. Son obscénité végétale unit autant qu’elle sépare. Il faut se préoccuper de la tenir salement dans nos propres bras en ignorant quelle pourrait être — à travers elle — notre prière ni pour qui, ni pourquoi. Fleur revenant de la fin, elle reste intarissablement ouverte. Le monde y demeure vivant, fait mine sinon de souffler comme un dieu du moins de jouer le coq hardi. Il remue en crawl son croupion au-delà des tas de fumier des futurs partants pour l’au-delà.
Dans sa comique nudité, l’existence semble épatante. Mais Pinget rappelle qu’il ne faut pas trop se fier aux appâts rances. Fleur au fusil, la barbarie larvée y tient lieu d’existence. Et l’homme ne cesse pour en humer le parfum d’y fourrer en porc peu épique son museau, sa truffe, son groin. Cochon qui s’en dédit. De son trou d’âge, il y va encore du piston et des phalliques aubergines. Bref, il secoue sa barbaque. Avant d’entrer dans sa fosse commune, il mouille sur la dalle de celles des autres les chrysanthèmes en l’eau de là.
jean-paul gavard-perret
Robert Pinget, Le Chrysanthème, Editions Zoé, Genève, 2013.