Malaxer, engorger, gêner la fluidité de l’objet et de corps, en déréaliser le sens et le genre reste l’objectif de Jean Fontaine. Femmes et moteurs sont considérés les unes comme une erreur de nature et les autres, comme celle de l’industrialisation. Leurs sculptures hybrides deviennent les indicateurs anticoagulants à une présence normalisée. Une suite de glissements et d’incartades obligent au questionnement.
L’idéal admis est tordu pour être remplacé par un sens désaccordé mais poétique là où comme disait Lacan :« ça parle, ça jouit ». Le fond de l’être est ouvert par effet de « mécanique plaqué sur du vivant» mais dans un sens qui n’est pas celui voulu par Bergson dans sa définition du comique. La « débâcle » des corps érotiques crée le dynamisme particulier d’un gai savoir en faisant tomber bien des illusions perceptives et culturelles.
Jean Fontaine sort autant du réalisme que du surréalisme, dépasse l’expressionnisme et la réduction formaliste. Il résiste à l’euphorie du liant unanime. Son expérience aussi mélancolique que perspectiviste reste un défi. Le sexuel y est central mais l’artiste ne le réduit pas à sa représentation. Comme ‚il pourrait dire “Du sexuel, je ne sais évidemment rien, sinon que c’est précisément ce qu’on ne sait pas”. De fait, un tel travail porte moins sur la question du sexuel que sur les raisons qui font que l’art est obsédé par le sexe, du lien le plus courtoisement éthéré à la pornographie la plus brutale.
Délicieusement atroces, les sculptures de Jean Fontaine proposent moins une chose qu’un événement. Surgit un passage de l’étrangement à la reconnaissance. Dans leurs couleurs plombées, les machines réinventées et les femmes emprisonnées deviennent un visage inquiétant du monde à venir. Elles restent le lieu privilégié de l’inquiétude du post-modernisme. Fer, acier, céramique, bref les matériaux âpres et durs, sont agencés vers un effet de souplesse et de légèreté. L’aventure est spectaculaire.
Le recours à la « chose » n’est plus là pour offrir une version post-pop du fétichisme de l’objet. La fidélité à la matière est éloignée de la simple compréhension formelle du principe de la vérité des matériaux. Chaque création propose « un point de vie et un point de mort » (Giuseppe Penonne). La présence interroge l’absence. Pas question pourtant de résilience même si chaque pièce met le temps à l’épreuve là où la technique et l’archaïque plongent vers l’inquiétude d’un futur agonisant.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Petites envies et grands désirs…plus prosaïquement, la chatte miaule pour sortir…le monde est envie.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Les cauchemars sont oubliés…le cowboy a renoncé, le montagnard est vaincu par l’arthrose, le cosmonaute est redescendu sur terre.
A quoi avez-vous renoncé ?
Voir question précédente…
D’où venez-vous ?
Du ventre d’une belle institutrice d’un petit village champêtre de bourgogne.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’honnêteté, je crois.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
Des milliers et des milliers de plaques de terre, je travaille à la plaque…
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Une partie de Ruzzle.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
J’ai essayé de ne jamais monter dans aucun wagon, fut-il avant-gardiste mais il n’y a pas de sentiment plus commun que l’envie d’être différent (citation papillote).
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpela ?
La roche de Solutré et son chaos de pierres.
Et votre première lecture ?
Red Buttler, Akim, Le Hérisson.
Comment pourriez vous définir votre travail sur le corps féminin ?
Au début je voulais capter le corps de monsieur et madame “tout le monde” et puis, faute de trouver des modèles acceptant de poser, j’ai du composer avec l’image que la société impose: jeune ‚beau, “conforme”… Et comme mon travail joue beaucoup sur les contrastes, celui d’un corps sensuel, plein, chaud, lascif, féminin opposé à une mécanique agressive, froide, inhumaine (et pourtant !) marche mieux
Quelles musiques écoutez-vous ?
Dans l’atelier, la radio marche en permanence, toutes…
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je n’ai jamais relu un livre.
Quel film vous fait pleurer ?
Clint Eastwood vieillit mal mais “Sur la route de Madison”…ouais!
Quand vous vous regardez dans un miroir, qui voyez-vous ?
Moi avec beaucoup de petits points blancs, les enfants ne ferment pas la bouche quand ils se lavent les dents…
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je ne sais pas.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La voie du compresseur au Fitz roy.
Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Les plus éloignés dans le temps et l’espace : Bosch, les Africains… ceux qui travaillent avec des bouts, des bouts de ficelle, de terre, de cailloux, d’humanité et tous ceux qui ne causent pas mais qui me parlent.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une débroussailleuse pour mon futur jardin de sculptures…
Que défendez-vous ?
Le droit d’aimer sans justificatif, sans explication, sans raison.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je salive. C’est une citation papillote, pour Noël je mange des papillotes et dans l’emballage il y a toujours un petit papier avec une citation philosophique, humoristique…
Enfin que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?”
Une deuxième papillote et j’arrête !
Article et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 2 janvier 2014.
(Jean de la fontaine aurait sans doute été inspiré lourdement.
Pour ma part cela me parle énormément)
Tête de guerre sur ma peau de sang. Tête dans le fluide et corps rongé. Je suis une éponge. Une mécanique. Poussée. Evoluée. Dure et légère. Née d’une percée. De peine.. Deux veines. Autour de moi le monde grouille étranger. Je me forge à moi-même dans mon allée âge. Dans le chemin où je suis engagée. Pour tenir. Ma folie m’épouse chaque jour en alliage. Dévore mes sens au bout de leurs extrême. Au bruit d’extrémités l’essence se fait dure. Ma sauvagerie me met ma tuyauterie à l’air libre. Sans chimie. Sans carburant. Sans appétit je fonctionne. Rien d’autre que mon moteur mutant en une mécanique hydride qui me d membre. Délicieusement féroce qui me soude à ce qui est ma vie.
‘Vient à moi moitié’ semble t’elle dire. La volonté et la rage sont là. Habitées d’un corps qu’on ne voit pas. Le jus et ses jambes s’enroulent autour du sexe dans un cri de poignée. Je regarde ma moitié. Je la tords. Je la serre. Je la lacère. Avec mes yeux. Tellement fort à fondre. Je laisse mon image se remplir et mon corps se vider.. La moitié passe. Le fluide glisse quelque part au dehors et avec lui tout pars. Tout fou le camp. Plus que des mains serrant la gorge. Je m’étrangle. Bientôt je ne respirerai plus. Je le sais. Je vais rester la moitié de quelque chose. Où je vais séjourner. Une cordée pâle où l’accord s’est retiré. Le regard regarde au dehors. C’est ma vie que je vois passer. Je regarde dehors et c’est moi que j’ai perdu en me laissant plantée là sans bouger. Je suis puissante. Passante passée. Traces fortes. D’amour humectée. Ne rien pouvoir. Ni bouger. Le silence bute sur la douleur et regarde mon cœur aux bras d’acier. Les larmes dans leurs chutes brulent contre un sourire. Le cœur banquise gagne du terrain sur ma peau prose. Solides et opaques. Les larmes sont les couteaux qui cisaillent l’intérieur. Je laisse passer mon moteur. La moitié. Ma peau et ma surface. Je passe à coté d’elle et ma vie en un moment s’engloutit. Dans une pluie lavant les larmes des bras ballants. Faut construire pour tenir un passager absent. Construire ses bielles et son miel. La rage en lamelles cherche derrière la rouille un passage. Le couteau et la caresse. Les deux se lient. J’hurle et me blottit. Je sors et je rentre dans mon poids rose. Mon corps et sa tuyauterie. Du fond de sa cage on entend un cœur peuplier. Un cœur replié dans le drap de l’amour. Ne pas mourir avant d’avoir fait le tour de sa prison. Dans la mécanique des jours où je peux pas mourir elle gagne du terrain. L’impuissance abrite la force. Elle est son égale. Son dépassement. Mon moteur abrite le cœur meurtri d’une étoile. Sa lueur bat sous mes paupières en métal . A pas lents. Palans.