Julie Douart, Usage communal du corps féminin

Lapins et tortue

Avec son second roman, Julie Douard passe à la vitesse supé­rieure. Elle ose les flam­bées de l’imaginaire. Sans jouer les Lacan de bas­tringue, celui-là répond au patro­nyme de l’auteure. Tout en effet y est doux-hard au sein d’une fic­tion qui aurait com­blé d’aise Que­neau. Julie Douard vidange le bouillon de la fic­tion par le trou du pan­ta­lon de Gus­tave Machin – mixte, en plus égrillard et speedé, de Bou­vard et Pécu­chet. Lequel Machin répand le pis­sat de son ersatz spé­cu­la­tif sans la moindre honte le pre­nant au besoin pour un feu d’artifice. Quand à Marion Mar­ron, elle tire les siens du feu. Et contre toute attente. Si bien que tel est pris qui croyait prendre.
Mais qu’importe l’histoire : ce qui compte reste le jeu. Sa tex­ture tout en coton est bien loin des fibres de syn­thèse du roman de mode. Elle tisse une sorte d’allégorie qui célèbre à sa manière le désordre du monde au nom d’un fémi­nisme qui ne prêche jamais. Du Machin « mâlin », l’héroïne prend le temps d’achever la farce humaine. Non dupe des dupeurs, elle sait que leurs mains jointes pour cer­taines prières servent aussi à s’essuyer le der­rière qui jouxte le trou humain.

Marie Mar­ron semble traî­ner appa­rem­ment la jambe : on la prend pour une gourde qu’on jette au besoin en la lais­sant pour morte. Mais elle remue ses quilles afin de se sor­tir la tête des approxi­ma­tions « men­thales » des porcs. Dès lors, dans son « usage com­mu­nal » son corps ne répond pas aux hor­mones du peuple. Peu à peu l’héroïne laisse les glands tin­ter, tin­tin­na­bu­ler, col­ler aux quintes car — le nom de Machin l’indique — chez l’homme le « je » est d’homoncule.
L’escargotte qu’on croit ram­pante ne se laisse pas for­cé­ment cuire en gibe­lotte par le qui­dam qui se vou­lant roc fort n’est que cou­lant. Glis­ser entre les cuisses d’une femme ou l’offrir à l’encan en se pre­nant pour un père vert le ren­voie au peu qu’il est. D’autant que l’héroïne, plu­tôt que de « mar­ron­ner », sait ne pas mettre ses œufs dans le même panier. On l’aura com­pris : pour faire leurs com­mis­sions en bal­lot­tant leur bedaine de com­muns des mor­tels — comme ceux qui les pré­cé­dent et ceux qui les suivent de peu -, il fau­dra d’autres oies blanches que la Mar­ron. Elle les fait chan­ger de couleur.

jean-paul gavard-perret

Julie Douart, Usage com­mu­nal du corps fémi­nin , P.O.L., Paris, 2014, 240 p. — 16,50 €.

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