Vers une conclusion apocalyptique
Sur une idée relativement simple comme la prise de contrôle d’un territoire, les auteurs déroulent une superbe série de cinq tomes. Mariant avec maestria les méthodes habituelles des mafias, une enquête menée par des détectives pugnaces, l’emprise des réseaux de trafics de drogues et une bonne pincée de fantastique, les auteurs signent un récit détonant et addictif.
La recherche d’un individu disparu de chez lui va amener les frères Sangaré, Franck et Philippe, des détectives, à se confronter à une vaste affaire mafieuse menée par la famille Sax.
Romane Mertens et Paco, un berger, sont dans la maison de Simon où ils ont trouvé Katyé, une petite fille mise à l’abri dans les lieux. Elle porte, dans le dos, un étrange tatouage.
Paco a peur de s’engager sentimentalement avec Romane car il craint d’être victime d’une malédiction.
À l’auberge de La Vache Brûlée, autour du père de Romane qui voit son épouse, Hélène, tuée il y a quelques années, les principaux opposants aux Sax sont réunis. Et soudain, Franck voit apparaître Hélène. Elle révèle avoir été assassinée par les hommes de Gregor Mazur. En tant que juge d’instruction, une de ses enquêtes l’a menée vers l’oligarque. Ils décident de se rendre au chalet, retrouver Romane et parler à la gamine.
Parallèlement, Gregor Mazur organise, avec les enfants de Sax, l’extension de son emprise sur la ville thermale. Apres l’enterrement de Roland Sax, ils sont intrigués par une cheminée qui fume, par une fenêtre éclairée dans le chalet de Simon. Mazur rassemble ses sbires et ils partent pour comprendre qui occupe les lieux. La bataille est inévitable…
Le duo d’auteurs, avec L’homme gribouillé (Delcourt – 2018), a déjà à son actif un album remarquable. Il récidive et donne une histoire hors du temps, aux dispositions universelles où se jouent les principaux moteurs de l’action humaine, le goût du pouvoir, celui de l’argent, mais aussi l’amour qui triomphe, le désir et le besoin de justice. Le titre de ce cinquième tome est un joli clin d’œil.
Le tome cinq, celui de l’explication finale, met face à face un oligarque prêt à tout pour atteindre son but et des personnes déterminées à faire régner un juste équilibre social.
Serge Lehman met en scène une bataille, qui va occuper une belle partie de l’album, avec tant de rebondissements. Et il conclut son récit donnant toutes les réponses aux multiples questions soulevées aux cours des quatre tomes précédents. Il apporte les explications aux multiples implications de l’intrigue.
Le graphisme de Frederik Peeters apporte un ton très particulier à ce récit avec les décors de cette ville qui est une synthèse de tout ce qui entoure le dessinateur genevois. Son trait tonique, appuyé, le dynamisme qui sourd de chacune des vignettes, sa mise en page aux cadrages serrés concourent à un sentiment peu commun face à ces planches très innovantes. Il fait vivre, et mourir, des protagonistes originaux, une galerie singulière confrontée à des touches de fantastique fort réussies.
Saint-Elme se lit avec un vif intérêt pour les interconnexions subtiles, les ressorts d’une l’intrigue tendue, le tout porté par un dessin dynamique et une mise en couleurs aux teintes fortes.
serge perraud
Serge Lehman (scenario) & Frederik Peeters (dessin et couleur), Saint-Elme — t.05 : Les Thermopyles, Delcourt, coll. “Machination”, janvier 2024, 88 p. — 16,95 €.