Il est toujours étonnant de constater qu’à l’intérieur d’une fratrie il peut y avoir des individus bien différents. Quelles causes, quelles raisons engendrent cette situation quand ces personnes ont grandi dans les mêmes conditions ? C’est en s’appuyant sur ce constat qu’Isabelle Sivan propose l’histoire de ces Deux sœurs.
Lise et Camille Dutilleul ne partagent qu’une seule chose, une maison, la maison où elles ont vécu depuis leur naissance. Camille, l’aînée, est enseignante, musicienne, s’essayant à de nombreux instruments. Elle a une allure babacool. Lise, la cadette, est une jeune femme énergique et sportive. Elle travaille dans la finance et adore le foot.
Elles occupent la maison coupée en deux, chacune ayant son entrée, le 3 et le 3 Bis, un morceau de terrain séparé par un mur. Et lorsqu’elles s’adressent la parole, c’est pour faire des reproches. Camille a une chatte qui se plaît bien dans les deux parties, occasionnant des récriminations. Aussi, quand elles reçoivent une lettre du propriétaire qui veut vendre, elles se retrouvent devant un gros problème. Certes, elles sont prioritaires mais…
Tout au long du récit, ponctué de péripéties et rebondissements, les deux jeunes femmes échangent acrimonies et critiques. Lise, qui gagne bien sa vie, se fait reprocher son argent alors qu’elle dénigre Camille et ses mois de vacances en tant qu’enseignante. Si l’une aime cultiver des fleurs et entretenir un gazon, l’autre n’apprécie pas ce genre d’activité, ce qui offre une source de discorde avec la chatte qui va gratter les massifs.
La scénariste décrit deux univers bien différents quand elles réunissent leurs connaissances et amis.
Les dessins et la mise en couleurs sont l’œuvre de Bruno Duhamel. Ils ont eu l’occasion de travailler ensemble sur Le Voyage d’Abel (Amaranthes — 2014) nouant une certaine complicité qui se ressent dans le rendu graphique.
Pour mettre en images cette coupure, il propose des planches scindées en deux offrant ainsi un effet miroir saisissant. Cette symétrie, cependant, bloque la plupart des possibilités offertes par la perspective traditionnelle. Il a usé de la perspective faciale avec brio donnant le moins de déformations possibles. Il se sert de la couleur pour accentuer la différentiation entre les deux parties de la maison, entre les deux sœurs. Et le résultat est fort réussi.
Faire connaissance avec ces Deux Sœurs est un grand plaisir pour le ton du scénario, ses développements et pour le graphisme assez original de Bruno Duhamel.
serge perraud
Isabelle Sivan (scénario) & Bruno Duhamel (dessins et couleurs), Deux sœurs, Éditions Bamboo, label “Grand Angle”, janvier 2024, 72 p. — 16,90 €.