Entre superstitions et prophéties
C’est le Paris de la fin de la Renaissance, en ce mois glacial de janvier 1588, que la romancière prend pour cadre d’une nouvelle et dernière (?) enquête menée par Jean du Moncel le héros de la série Alchimie (10/18). Ce roman peut être considéré comme un quatrième tome. C’est l’affrontement entre les ultras catholiques menés par les Guise et les Valois entourés des Quarante-Cinq.
Ce Bureau, une société sécrète composée de dix membres sous l’autorité de Jean du Moncel, a été créé par Loys de Villeneuve lors de l’accession au trône d’Henri II. Il est chargé de gérer les dessous des affaires d’État mais aussi de sombres affaires criminelles.
Celle qui est à l’ordre du jour, ce 25 janvier, tourne autour du roi accusé de sorcellerie, de faire oblations au diable. Des pamphlets circulent alimentés par les Guise qui veulent accéder au trône. Le peuple gronde car la vie est difficile et le train de vie dispendieux du roi irrite. Il semble que la seule solution soit d’éliminer le duc de Guise si l’on veut sauver le roi Henri III.
Mais parallèlement, une série de meurtres mobilise leur attention quand on découvre le corps d’une jeune lavandière au Port-au-Foin. Elle porte de très vilaines blessures. La rumeur d’un loup-garou se répand. Des témoins affirment l’avoir vu.
C’est un médecin des morts qui, à partir d’un registre, constate une régularité dans ces tueries. Elles sont liées à la pleine lune. Et la prochaine n’est que dans quelques jours. Une course contre la montre s’engage pour les commissaires du Châtelet…
L’intrigue mobilise nombre de personnages historiques de premier plan qui jouent leur rôle et qui s’intègrent bien dans la trame romanesque. Avec son héros et sa famille, qu’il a mise à l’abri dans son domaine breton, l’auteure retrace des événements authentiques et conçoit une intrigue nourrie d’une connaissance approfondie de la période. Ce roman est particulièrement documenté.
Viviane Moore donne une belle place au métier de bourreau, les conditions de vie de ceux-ci et de leurs proches. Ils sont indispensables mais rejetés, contraints à la discrétion, voire l’anonymat. Elle met en lumière, et c’est peu fréquent, les retombées psychologiques après la torture et la mise à mort des condamnés.
En fin de volume, l’auteure livre nombre de notes et d’illustrations sur les personnages authentiques, sur les mesures, les poids et le temps.
Ce roman se révèle passionnant pour son coté historique bien étayé, pour son intrigue et pour la galerie des protagonistes.
serge perraud
Viviane Moore, La dernière enquête du Bureau des affaires extraordinaires, Éditions 10/18, coll. “Polar”, octobre 2023, 288 p. — 15,90 €.