Nicolas Dumontheuil adapte un nouveau roman de Arto Paasilinna, cet auteur finlandais dont il a déjà mis en images La forêt des renards pendus (Futuropolis — 2016). Il propose une adaptation du Meunier Hurlant, un des livres les plus populaires du romancier. Il s’est vendu à plus de cent mille exemplaires.
Les deux guerres sont finies. La Finlande, après avoir combattu, pendant La guerre d’Hiver, l’envahisseur russe (déjà et encore !) et mis dehors leur allié de circonstance dans la guerre dite de Laponie. Le présent récit se déroule six après, en 1951, alors que les Finlandais s’acclimatent doucement à la vie en temps de paix.
Dans la bourgade d’Oulu, le moulin est restauré par les soins de Gunnar Huttunen. Il vient du sud où son moulin a brûlé avec sa femme dedans. Dès le début, les habitants le considèrent comme fou pour avoir racheté ce vieux moulin. Parce qu’il a vendu beaucoup de bardeaux, il fait la fête et invite les villageois à manger des saucisses et des lavarets de Kemijoki. Il se met à imiter des cris d’animaux et ses hurlements de loup font fuir les habitants.
Plus tard, il reçoit la visite de l’avenante Sanelma Kayramo, conseillère horticole qui a pour mission d’inciter les gens à avoir des loisirs en rapport avec l’agriculture et l’économie familiale. Il en tombe amoureux. Son comportement atypique choque les habitants. Ils poussent alors le médecin à le diagnostiquer comme fou et le faire interner…
Arto Paasilinna peuple le grand Nord de la Finlande de personnages originaux, des marginaux habités par une certaine forme de folie. Mais, s’ils sont étranges, ils sont fort attachants.
Si le début de son histoire peut être vu comme une comédie, celle-ci se transforme vite en satire sociale virulente. L’auteur dénonce l’intolérance, l’arbitraire, l’attachement à un certain conformisme. Il questionne sur les rapports à entretenir avec l’autre, même si celui-ci n’est pas dans la norme, dans le modèle qu’impose une vie en société. Il décrit avec précision les a priori et le cheminement qui amène à l’exclusion.
Avec le séjour du héros dans l’asile psychiatrique, le romancier dresse un réquisitoire au vitriol sur le fonctionnement de ce type d’établissement. Mais ce fonctionnement arbitraire se retrouve dans de multiples structures avec un individu au pouvoir absolu et une bande de nervis qui font appliquer avec brutalité ses diktats. La nature et les sentiments amoureux occupent une belle place. Il les présente comme des oasis, des émotions qui transcendent, un lieu où tout peut se régénérer.
Nicolas Dumontheuil met en images cette histoire, réussit une belle adaptation, retrouvant l’esprit du roman, donnant des planches superbes avec ce dessin aux traits solides. Sa couleur presque monochrome constituée de tons bistre mêlés avec des touches de lavis qui adoucissent. Son graphisme, à la fois précis, détaillé, met en scène des protagonistes à l’expressivité d’une belle variété.
Assimilable à un conte, ce récit installe un ton humoristique pour mieux mettre en avant une tragique histoire avec un graphisme qui renforce tous les excès.
feuilleter l’album
serge perraud
Nicolas Dumontheuil (adaptation du roman de Arto Paasilinna, dessin et couleurs), Le Meunier Hurlant, Futuropolis, janvier 2024, 152 p. — 24,00 €.