Le récit se construit autour du Zodiaque du Diable, employé par ceux qui connaissent ses arcanes. Il compte treize signes répartis en quatre triades. Chacun des signes est incarné dans un individu, un représentant de chair et de sang qui vit, qui meurt et qui se réincarne. La troisième triade se compose de la Veuve, de l’Épéiste et de l’Oiseleur. Et ces triades s’affrontent.
Le choix de cette époque, sous le règne de Louis XIII et de Richelieu permet de concevoir une belle histoire de cape et d’épée. Mais c’est le côté sombre qui est mis en avant avec une large part de fantastique, d’alchimie et magie noire
En cet an de grâce 1633, Paris est vanté comme la ville la plus superbe. Mais, la nuit, la vision n’est pas la même. Un homme, dans les bas-fonds, fuit devant son poursuivant, le porteur d’un masque de cuir. Ce dernier veut connaître le repaire du Roi des tombes.
Jean-Philippe Baptiste Gagnière, une très fine lame, se bat en duel pour les autres. Alors qu’il sort vainqueur d’une nouvelle confrontation, un mystérieux individu lui fixe rendez-vous pour une mission délicate. Il retrouve Margot qu’il aide car elle recueille les enfants abandonnés de Paris. Au rendez-vous, c’est une jeune femme qui le reçoit. Contre une belle somme d’argent et la promesse d’un doublement, elle lui demande de se trouver à un endroit précis, à minuit, pour sauver la vie d’un homme traqué par des spadassins.
Et l’individu qu’il voit, poursuivi par une troupe, porte… un masque de cuir…
Les personnages sont conçus avec soin, que ce soit du côté d’une certaine justice ou du côté du mal. Le héros, bondissant de toit en toit, se juchant sur le faîte des toitures, peut rappeler avec sa cape et son masque un certain superhéros.
Pierre Pevel privilégie l’action, les poursuites, les combats, donnant à son héros une belle énergie. Mais, il imagine un passage de témoin un peu violent. Face à lui, le Roi des tombes est de retour et veut façonner la société parisienne à sa manière, la mettre à sa botte.
Stéphane Créty, dans une interview, raconte son investissement pour réaliser le dessin. Il a fait de nombreuses recherches pour aboutir au héros qu’il voulait présenter. Il faut souligner le travail remarquable sur le dynamisme des combats, des traques de toutes natures et sur la beauté des décors de ce Paris du XVIIe siècle. S’il est inspiré de sources réelles, il est adapté à la tension de l’intrigue : “…un Paris sombre, fait de ruelles tortueuses, boueuses, populeuses d’où émergent quelques cimes comme Notre-Dame, les clochers des dizaines d’églises et basiliques qui parsemaient Paris, un Paris du mystère et des intrigues.” Une belle réussite.
La mise en couleurs de Jérôme Maffre suscite, par ses teintes ténébreuses, cet effroi, cette angoisse qui sourd de cette atmosphère fantastique.
Ce premier volume plante rapidement le cadre et développe des péripéties qui laissent augurer d’un récit tonique, enlevé, pour les deux tomes. Le tout est mis en images avec talent.
serge perraud
Pierre Pevel (scénario), Stéphane Créty (dessins) & Jérôme Maffre (couleurs), Gueule de cuir — Vol.1 : L’épéiste, Éditions Bamboo, label “Drakoo”, janvier 2024, 64 p. — 15,90 €.