Un tableau de la véritable conquête de l’Ouest !
La série Wild West se présente sous forme de diptyques mettant en scène trois personnages emblématiques de cette conquête : Calamity Jane, Will West et Charlie Utter. Calamity Jane n’est plus à présenter tant cette femme a marqué son époque.
Will West, de son vrai patronyme James Butler Hickok, fut soldat, homme de loi et de spectacle avant de rejoindre, en 1876, les Black Hills avec Calamity Jane comme compagne de route. Il est assassiné le 2 août 1876 lors d’une partie de poker. La combinaison de cartes qu’il avait en main est appelée depuis, La main du mort.
Charlie Utter qui a été trappeur, guide et prospecteur au Colorado prend un convoi en 1876 en direction des Black Hills. À Cheyenne, il s’associe à Will West. En juillet 1876, il se lance dans la livraison de courrier et fait connaissance de Calamity Jane.
C’est ce trio de personnages authentiques que Thierry Gloris met en scène dans ses intrigues qui décortiquent la conquête de l’Ouest américain avec une vision fort différente de celle véhiculée par doxa officielle ou Hollywood.
Le trio, employé par Aristote Graham de l’Union Pacific, est en route pour Chicago sur les traces du tueur en série qui sévit à Mud city. Calamity lit le journal tenu par ce tueur où il décrit les tortures et le meurtre de ses parents, ainsi que les tortures qu’il a subies.
Graham, qui fait construire une ligne de chemin de fer, accueille les Buffalo Soldiers sous le commandement du lieutenant Bush. Ce groupe comprend des soldats noirs engagés pour sécuriser son chantier contre les raids indiens.
À Chicago, ils retrouvent un début de piste et reviennent à Mud City. Mais, entretemps, les ouvriers ont fait exploser une éminence rocheuse, dévoilant un cimetière sacré des indiens, qu’ils envahissent. Les combats reprennent avec encore plus de violence…
Mêlant personnages authentiques et actions de fiction, bien que celles-ci aient pu avoir lieu sans entrer dans la grande Histoire, le scénariste dépeint avec justesse un climat de dévastations, de dépossessions. Avec l’envahissement de leurs terres, les natifs se révoltent et luttent contre ces barbares qui ne respectent rien de leurs coutumes, de leur mode d’existence, de leurs croyances. C’est aussi la situation de membres de la brigade des Buffalo Soldiers, ces Noirs engagés pour mater des individus spoliés alors qu’eux-mêmes sont une minorité encore en esclavage.
Mais, concomitamment, Thierry Gloris met en place un récit musclé, aux multiples actions et rebondissements, dénonçant la pseudo terre d’égalité quand la condition est de naître avec la bonne couleur de peau. Par contre, l’individu qui, aujourd’hui, porte une peau orange devrait être exclu de la société.
Jacques Lamontagne assure un graphisme complet, du dessin à la couleur. Il réalise des vignettes précises, minutieuses, détaillées que ce soit pour les personnages, les décors ou tous les accessoires utilisés. Ses silhouettes de fond de cases sont construites. Il signe ainsi des planches magnifiques, donne un travail d’une beauté digne de tableaux de musées. Ses couleurs, adaptées aux contextes, révèlent des profondeurs de champ, des volumes qui ravissent l’œil.
Une série de haut niveau, révélatrice d’une page sombre de l’humanité par des récits très structurés et une mise en images de toute beauté.
serge perraud
Thierry Gloris (scénario) & Jacques Lamontagne (dessin et couleurs), Wild West — t.04 : La Boue et le sang, Dupuis, coll. “Grand Public”, janvier 2024, 48 p. — 15,50 €.