Une saga familiale dans un conflit mondial
Dans le village côtier de Saint-Jean, les Durand et les Martineau, deux familles de boulangers, se font concurrence. Et celle-ci continue pendant l’occupation par les Allemands. Marguerite Martineau, aidée de ses jumeaux Marcelin et Monique, continue de tenir la boulangerie même après la mort de son époux au combat. Madame Durand, aidée de Marie, sa fille, assure la fabrication du pain bien que son mari soit prisonnier.
Avec son fils Marcelin, Marguerite a mis au point un système pour transmettre les messages de la Résistance. Ils cachent ceux-ci dans des pains. La disparition du lieutenant Feldberg, qui fréquentait assidument la boulangerie Martineau amène l’arrivé de Haurmann, un officier sans états d’âme. Le corps du lieutenant est vite retrouvé et Haurmann veut trouver le tueur. Il va mettre en œuvre tous les moyens, mêmes les plus bas pour parvenir à ses fins…
Si dans le premier tome de cette trilogie les cadres de l’intrigue se sont mis en place, que la tension a été installée, ce second volet place la barre bien plus haute. Les occupants installent un climat de terreur jouant sur les peurs, sur les rapports entre les habitants. Le nouveau lieutenant comprend vite la situation et utilise les moyens expéditifs communs, la prise d’otages et la menace de les exécuter, la connaissance des amitiés, amours, inimités qui lient des protagonistes afin de jouer avec eux.
L’auteur introduit des sous-intrigues, des dimensions nouvelles avec les élans du cœur quand il fait se rencontrer Marcelin et Marie. Il développe des rapports montrant que la vie continue même dans les circonstances difficiles. C’est un récit qui joue beaucoup sur les relations entre les êtres, ceux qui rapprochent, ceux qui portentà la haine, au goût pour le pouvoir, à la vengeance. Il fait une place aux mouvements de la Résistance et à leurs actions.
Des séquences plus légères offrent une respiration comme lorsque le scénariste donne une recette pour conserver des œufs plus longtemps, l’art et la manière de continuer à faire du pain quand les matières premières traditionnelles manquent.
Il faut noter un léger problème pour ceux qui n’auraient pas connaissance de la langue allemande. En effet, nombre de bulles ne sont pas traduites même si on peut en saisir le sens.
Steven Lejeune au dessin et Burgazzoli Cabrera à la couleur mettent en images ce récit, cette histoire dans l’Histoire. Le dessin classique pose des personnages bien identifiables au fil des planches. La mise en pages privilégie les plans rapprochés, les portraits expressifs. Les décors principaux sont ceux d’intérieurs.
La mise en couleurs restitue l’atmosphère pesante, lourde, celle qui plombait la vie des habitants à cette époque.
Un second tome séduisant autour d’un produit basique de la vie quotidienne, avec une intrigue qui s’intensifie de page en page, qui met en scène les principales composantes d’une société humaine.
serge perraud
Jean-Charles Gaudin (scénario), Steven Lejeune (dessin) & Burgazzoli Cabrera (couleurs), Au nom du pain — t.02 : Marie, Glénat, coll. “24x32”, septembre 2023, 56 p. — 14,95 €.