Un intérêt scientifique totalement occulté…
En ce début de XXIe siècle, le spiritisme est-il toujours aussi présent qu’à la fin des années 1800 et l’aube du XXe siècle ? Il ne fait plus la Une des journaux ni des chaînes de télévision les plus avides de faits divers. Pourtant, à cette époque, les plus brillants esprits s’y intéressaient.
Rodolphe propose un récit rigoureusement documenté, basé sur des notes et des rapports que Pierre Curie a établi lors de séance de spiritisme mené par Eusapia Palladino, une médium réputée.
À Varsovie, une petite fille a peur dans sa chambre. Elle a perdu sa grande sœur il y a deux ans et vient d’enterrer sa maman. Depuis son lit, elle entend craquer les marches d’escalier, des pas dans le couloir.
C’est, en 1905, ce récit que fait Marie Curie à Mc Nee, mandaté par la SPR (Society for Psychical Research), pour une enquête sur les sentiments du monde scientifique face aux manifestations paranormales.
Autour d’une table conviviale, Mc Nee évoque les expériences en la matière. C’est le lendemain qu’ils se retrouvent pour une séance avec cette médium italienne réputée. Et, effectivement, les participants vont vivre des moments éprouvants. Ils vont poursuivent avec un esprit et des méthodes scientifiques pour donner une réalité aux phénomènes observés… sans succès.
Lorsque Pierre Curie est victime d’un accident mortel le 19 avril 1906, Marie va tout faire pour entrer en contact avec lui, dans l’autre monde…
L’approche scientifique du spiritisme par le couple Curie est une partie importante de leur vie qui a été totalement occultée par leurs thuriféraires ou leurs biographes. Pourtant, ces prix Nobel n’ont pas hésité à s’investir pour trouver des explications. Pour lui surtout, il fallait, comme ils avaient découverts le Polonium, le Radium, aux propriétés ignorées jusqu’alors, éclaircir ce qui se cachaient derrière ces mystères. Marie, comme lui, pensait qu’il n’y avait aucun domaine tabou, interdit à l’étude.
Rodolphe construit une histoire solide, aux arguments convaincants quant à l’implication de nombre de scientifiques, d’esprits brillants, de l’époque. Outre les Curie, on peut citer Paul Langevin, Alfred Wallace, Charles Richet (prix Nobel de physiologie et de médecine), Henri Bergson (prix Noble de littérature), Conan Doyle, un des plus éminents membres de la SPR… Victor Hugo, quelques décennies plus tôt, avait fréquentés des médiums.
Si les couleurs sont dues à la patte du studio Cerise, le dessin est d’Olivier Roman. Celui-ci retient, bien sûr, un trait académique et une mise en pages de facture classique. Le sujet n’autorisait guère de fantaisie pour garder tout le sérieux du thème. Cependant, il donne de belles vignettes sur les manifestations déclenchées par la médium et offre des planches fort réussies.
Les auteurs Cerise apporte une belle touche avec des teintes tout à fait en accord avec le sujet.
Un album très intéressant sur la curiosité de scientifiques qui osaient étudier tous les mystères que la nature propose, quelles que soient leurs formes.
serge perraud
Rodolphe (scénario), Olivier Roman (dessin) & Cerise (couleurs), Marie et les esprits, Éditions Anspach, octobre 2023, 56 p. — 15,00 €.