Dufaux, Aubin & Schréder, Les aventures de Blake et Mortimer — tome 22 : ” L’onde Septimus”

Une suite par­ti­cu­liè­re­ment réussie !

Londres fête l’anniversaire de la Reine. Dans un entre­pôt, une femme et trois hommes portent un toast à la mémoire de Sep­ti­mus, mort dans les décombres de son labo­ra­toire dans La Marque Jaune. L’un d’eux a retrouvé le disque jaune dont se ser­vait ce scien­ti­fique pour hyp­no­ti­ser et réduire ses vic­times à l’état de robot. Le petit groupe charge le pro­fes­seur Evan­gely, radié pour pra­tiques dou­teuses sur ses patients, de s’en res­ser­vir. Celui-ci veut retrou­ver Olric qui fut, à l’époque, le “Gui­nea Pig” idéal.
Blake se fait du souci. Il est sans nou­velles de Mor­ti­mer depuis un mois. Nasir, le major­dome du Pro­fes­seur réprouve les expé­riences que mène celui-ci pour ten­ter de maî­tri­ser l’onde Mega. C’est pen­dant une absence de Mor­ti­mer que Nasir est témoin d’un étrange phé­no­mène, la machine se réac­tive seule. Effrayé, il s’enfuit du labo­ra­toire et il ferme la mai­son.
Paral­lè­le­ment, dans la rue, des hommes hagards, aux yeux vides, déga­geant des arcs élec­triques, tiennent des pro­pos qui rap­pellent les lita­nies débi­tées par les cobayes de Sep­ti­mus. Sou­dain, une sil­houette res­sem­blant à celle du scien­ti­fique dis­paru, hante les rues de Londres, déclen­chant une vague d’une étrange folie…

Dans l’œuvre d’Edgar P. Jacobs, deux récits de détachent par une richesse scé­na­ris­tique et gra­phique remar­quable : Le Secret de l’Espadon et La Marque Jaune. Si le pre­mier fait la part belle à la tech­no­lo­gie de pointe, le second s’appuie sur les sciences de l’humain, sur la mani­pu­la­tion du psy­chisme des indi­vi­dus. En uti­li­sant l’hypnose, Jacob allait plus loin, dans le second degré, et dans l’art de condi­tion­ner les popu­la­tions. Mais, le dia­bo­lique mani­pu­la­teur mour­rait à la fin du récit, car la morale et la jus­tice devaient triom­pher.
Cepen­dant, un tel chef-d’œuvre est suf­fi­sam­ment riche pour géné­rer de nom­breuses branches. Jean Dufaux, dont on connaît l’excellent niveau de son œuvre plé­tho­rique, reprend, pour la pre­mière fois, les pas d’un autre auteur. Connais­sant par­fai­te­ment les albums de Jacob, il en a res­ti­tué l’esprit et a inté­gré tout ce qui en fait la richesse et l’attrait, ce mélange sub­til d’aventure, d’enquête poli­cière et de fan­tas­tique. Il devait, éga­le­ment, retrou­ver l’ambiance des années 1950 en Angle­terre et res­pec­ter la dimen­sion scien­ti­fique de La Marque Jaune. S’il reprend l’usage malé­fique de cette onde, il met en scène son contraire avec Mor­ti­mer qui, en preux che­va­lier du Bien, cherche des appli­ca­tions béné­fiques pour l’humanité souffrante.

L’action est très pré­sente. Outre une machi­na­tion dia­bo­li­que­ment our­die, on retrouve tous les élé­ments d’aventures et de fan­tas­tique comme des labo­ra­toires secrets, des sou­ter­rains, des attaques de clones, des déchaî­ne­ments de forces incon­trô­lables. Jean Dufaux glisse même une dimen­sion extra­ter­restre avec l’épave d’un vais­seau de L’Énigme de l’Atlantide. Il déve­loppe aussi un de ses thèmes favo­ris : les dérè­gle­ments psy­chiques et leurs consé­quences. Si le scé­na­riste reprend les per­son­nages récur­rents, s’il reste proche du modèle ori­gi­nal pour les héros de la série, il pro­pose sa touche per­son­nelle avec Olric. Il apporte une vision dif­fé­rente de celle de Jacobs, moins mani­chéenne, en lui don­nant une dimen­sion plus humaine avec ses aspects posi­tifs et néga­tifs.
Dufaux, dont on connait le gout et la qua­lité d’écriture, offre ici des dia­logues per­cu­tants et des car­touches au nar­ra­tif attrac­tif (ndlr. : un seul bémol alors, cette méchante faute p. 16 où Mor­ti­mer dit : ” l’onde Méga peut inter­ve­nir en influant le cer­veau…” qui témoigne d’une confu­sion entre les verbes influer — sur quelque chose - et influen­cer  — quelque chose, by jove ! ). Quant au gra­phisme, le duo formé par Antoine Aubin et Étienne Schré­der fait mer­veille. Ils ont su, mieux que leurs pré­dé­ces­seurs, retrou­ver le trait ini­tial, redon­ner corps aux per­son­nages, pro­po­ser des décors dans l’esprit de la série originelle.

Cette incur­sion de Jean Dufaux dans Les aven­tures de Blake et Mor­ti­mer redonne un second souffle à cette série en remet­tant en scène, ser­vie par un gra­phisme sans faute, des héros emblé­ma­tiques et les élé­ments d’un album devenu mythique de la BD franco-belge.

serge per­raud

Jean Dufaux (scé­na­rio), Antoine Aubin & Etienne Schré­der (des­sin), Les aven­tures de Blake et Mor­ti­mer, tome 22 : “L’onde Sep­ti­mus”, Dar­gaud, décembre 2013, 72 p. – 15,25 €.

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