Laurent Guillaume, Black Cocaïne

Un polar au cœur de l’actualité

En pro­logue, dans les envi­rons de Lyon, un homme tue deux indi­vi­dus qu’il rend res­pon­sables d’assassinats. C’est au Mali, à Bamako, que Sou­ley­mane Camara, dit Solo, traîne son mal-être. Ancien flic de France, il est devenu détec­tive privé. Il a acquis une solide répu­ta­tion en menant quelques affaires promp­te­ment, avec suc­cès. Il reçoit la visite de Faten Tebessi, une avo­cate fran­çaise. Elle est là pour aider Bahia, sa jeune sœur, qui s’est fait prendre, à l’aéroport de Bamako, avec treize kilos de cocaïne. Elle risque une très lourde peine. Solo hésite, mais devant les argu­ments avan­cés par la jeune femme, il décide de s’occuper de l’affaire. Il sera l’intermédiaire pour convaincre, contre une somme consé­quente, le juge d’instruction d’être indul­gent vis-à-vis de Bahia.
Mais, si le juge se laisse faci­le­ment ache­ter, Bahia est retrou­vée égor­gée, flot­tant dans le Niger. Faten veut que Solo retrouve les assas­sins pour se ven­ger. Ce der­nier ne veut pas aller plus loin. Alors, la jeune avo­cate fait cou­rir le bruit qu’il a accepté son contrat et qu’il traque les res­pon­sables du meurtre pour les tuer. En ren­trant chez lui, Solo trouve trois hommes qui le menacent. Pour appuyer leurs dires, ils coupent la main de Drissa, son ami et « gar­di­nier » qui s’éteint, quelques heures plus tard, à l’hôpital. Solo alors ne vit plus que pour ven­ger la mort de son ami. Il ne sait pas encore, bien qu’il s’en doute, qu’il entre en guerre contre une struc­ture mafieuse bien implan­tée dans le tra­fic de drogues et abso­lu­ment pas déci­dée à se lais­ser faire…

L’auteur a choisi de pla­cer son intrigue au Mali, un pays qu’il connait bien. Pour son acti­vité pro­fes­sion­nelle, il a passé quatre ans à y tra­quer des tra­fi­quants de drogue, dans le cadre d’une coopé­ra­tion. C’est donc dans ce décor, et dans ce domaine, qu’il déve­loppe une intrigue autour d’un héros au passé tour­menté. Celui-ci s’est refait une exis­tence dans son pays d’origine. Mal­gré ses suc­cès d’enquêteur, il traîne un mal-être qu’il noie dans des flots d’alcool, ce poi­son en vente libre qui n’efface les mau­vais sou­ve­nirs que momen­ta­né­ment.
Laurent Guillaume place son per­son­nage, entre héros et anti-héros, dans une enquête périlleuse et pro­pose une intrigue aux actions mus­clées. On ne peut s’empêcher de trou­ver des res­sem­blances avec ces “pri­vés” qui offi­ciaient dans les années 1950/60, qui consom­maient force bois­sons cor­sées, rece­vaient des coups et des horions à lon­gueur de roman, plai­san­taient avec leurs bour­reaux et avaient la répar­tie cocasse même dans des situa­tions dra­ma­tiques. Cepen­dant, ces “pri­vés” réus­sis­saient à vaincre l’adversité, com­battre le Mal et faire triom­pher, à défaut de jus­tice, cer­taines idées morales.

Le roman­cier donne une image inha­bi­tuelle de ce pays, de son admi­nis­tra­tion, du fonc­tion­ne­ment de ses struc­tures. Il expli­cite les rami­fi­ca­tions et les inter­ac­tions entre fonc­tion­naires de police et de jus­tice, pré­sente la cor­rup­tion telle qu’elle se pra­tique, sans juger ni condam­ner. C’est un état de fait, une “tra­di­tion” ini­tiée au plus haut niveau de pou­voir. Mais  il montre aussi que des fonc­tion­naires savent res­ter intègres et assu­rer leur mis­sion sans com­pro­mis­sion. Il truffe son récit de remarques sur le Mali, sur Bamako, sur le sort des métis, sur leur place dif­fi­cile à trou­ver, car ils ne sont nulle part. Il dresse un por­trait réa­liste d’une popu­la­tion rési­gnée, fait res­sen­tir avec véra­cité le décou­ra­ge­ment que peuvent éprou­ver ceux sur qui pleuvent toutes les misères, les acci­dents de la vie.
Laurent guillaume signe, avec Black Cocaïne, un roman solide, avec une intrigue bien menée où l’action prime pour le plus grand plai­sir du lec­teur ama­teur d’aventures et de dépaysement.

serge per­raud

Laurent Guillaume, Black Cocaïne, Denoël, coll : “Sueurs froides”, octobre 2013, 256 p. – 1700 €.

 

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Filed under Pôle noir / Thriller

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