Karsten Dusse, Des meurtres pour retrouver son calme

Un avo­cat bien singulier

Le pro­logue raconte l’explosion de la tête, en un nuage rosé, d’un pro­cu­reur qui marche près du héros, sur le che­min de Com­pos­telle. Pour­quoi cet avo­cat, très lié à la pègre, se trouve-il sur cette route de pèle­ri­nage ?
Björn Die­mel pra­tique la pleine conscience et se rend, une fois par mois, chez son psy­chiatre. Il a tou­jours une minute de retard sur l’heure du rendez-vous. Mais, pour cette séance, où il venu en taxi, il a deux minutes. Le psy­chiatre veut com­prendre pour­quoi il double son temps de retard.
Björn est avo­cat, père d’une ado­rable fillette et séparé de son épouse depuis six mois. La veille, pour fêter ses quarante-cinq ans, il a réuni ses quatre col­la­bo­ra­teurs dans un res­tau­rant luxueux et a décidé de s’enivrer. Or, la soi­rée dérape lorsque Chayenne, une call-girl du réseau tenu par Carla, vient se plaindre en sous-vêtements à peine cachés par un pei­gnoir, des demandes qu’elle juge contre-nature de la part de son client. Les déra­pages se suc­cèdent, il rentre ivre, casse sa voi­ture en arri­vant.
Après une belle intros­pec­tion sur les faits et les rai­sons qui ont motivé le choix d’une telle soi­rée, le psy­chiatre l’engage à faire un pèle­ri­nage pour se mettre sur la voie de la sagesse, pour se connaître, se trou­ver. Mais le che­min de Com­pos­telle va se révé­ler riche en sur­prises et en impré­vus. Les ques­tions exis­ten­tielles que se pose Björn prennent un aspect très concret quand les cadavres com­mencent à se mul­ti­plier autour de lui…

Björn est un avo­cat d’un genre par­ti­cu­lier. S’il pra­tique inten­sé­ment la médi­ta­tion de pleine conscience, il est éga­le­ment un indi­vidu qui ne recule devant rien pour éli­mi­ner ses sources de stress, à savoir ses clients les plus invi­vables. Il est, désor­mais, à la tête de la mafia locale, à la tête d’entreprises délic­tueuses, voire cri­mi­nelles. Une suite de situa­tions va le mettre en posi­tion dif­fi­cile quand ses troupes effec­tuent une action, au départ rece­vable, qui va se révé­ler désas­treuse.
Avec ce per­son­nage et les pro­ta­go­nistes bien sin­gu­liers qui l’entourent, le roman­cier pro­pose une intrigue inven­tive. Usant du second degré, il montre un héros à deux facettes qui se débat dans des situa­tions pénibles. D’un côté, il est un père atten­tionné, vouant un amour pro­fond à sa fille, voire à son ex-épouse, et de l’autre un homme qui n’hésite pas devant le meurtre. Le tout est conté avec une cer­taine légè­reté, beau­coup d’humour noir et sar­cas­tique, un ton enlevé. Il pointe du doigt nombre de pra­tiques socié­tales inap­pro­priées, contra­dic­toires.
Ainsi, il fait don­ner cette défi­ni­tion du pèle­rin : « …s’achète des chaus­sures, des pan­ta­lons Gore-Tex et des sacs à dos de trek­king pers­pi­rants pro­duits par un ouvrier du tex­tile pakis­ta­nais contre l’équivalent de plu­sieurs fois son salaire annuel… » Il faut décou­vrir son approche his­to­rique de Saint-Jacques et de l’émergence du pèle­ri­nage, la pré­pa­ra­tion de son bagage pour un mois de marche. C’est tru­cu­lent, drôle, mais mar­qué d’une iro­nie féroce.

Ce troi­sième volet des aven­tures de ce sin­gu­lier avo­cat valent leur pesant de rires, de sou­rires. C’est un bon moment de lec­ture auquel Kars­ten Dusse convie celui qui entre dans son récit, avec une intrigue, par ailleurs, captivante.

serge per­raud

Kars­ten Dusse, Des meurtres pour retrou­ver son calme (Acht­sam mor­den am Rande der Welt), tra­duit de l’allemand par Jenny Bus­sek, Le cherche midi, coll. “Thril­lers — Les Meurtres Zen”, novembre 2023, 384 p. — 19,90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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