Le prologue raconte l’explosion de la tête, en un nuage rosé, d’un procureur qui marche près du héros, sur le chemin de Compostelle. Pourquoi cet avocat, très lié à la pègre, se trouve-il sur cette route de pèlerinage ?
Björn Diemel pratique la pleine conscience et se rend, une fois par mois, chez son psychiatre. Il a toujours une minute de retard sur l’heure du rendez-vous. Mais, pour cette séance, où il venu en taxi, il a deux minutes. Le psychiatre veut comprendre pourquoi il double son temps de retard.
Björn est avocat, père d’une adorable fillette et séparé de son épouse depuis six mois. La veille, pour fêter ses quarante-cinq ans, il a réuni ses quatre collaborateurs dans un restaurant luxueux et a décidé de s’enivrer. Or, la soirée dérape lorsque Chayenne, une call-girl du réseau tenu par Carla, vient se plaindre en sous-vêtements à peine cachés par un peignoir, des demandes qu’elle juge contre-nature de la part de son client. Les dérapages se succèdent, il rentre ivre, casse sa voiture en arrivant.
Après une belle introspection sur les faits et les raisons qui ont motivé le choix d’une telle soirée, le psychiatre l’engage à faire un pèlerinage pour se mettre sur la voie de la sagesse, pour se connaître, se trouver. Mais le chemin de Compostelle va se révéler riche en surprises et en imprévus. Les questions existentielles que se pose Björn prennent un aspect très concret quand les cadavres commencent à se multiplier autour de lui…
Björn est un avocat d’un genre particulier. S’il pratique intensément la méditation de pleine conscience, il est également un individu qui ne recule devant rien pour éliminer ses sources de stress, à savoir ses clients les plus invivables. Il est, désormais, à la tête de la mafia locale, à la tête d’entreprises délictueuses, voire criminelles. Une suite de situations va le mettre en position difficile quand ses troupes effectuent une action, au départ recevable, qui va se révéler désastreuse.
Avec ce personnage et les protagonistes bien singuliers qui l’entourent, le romancier propose une intrigue inventive. Usant du second degré, il montre un héros à deux facettes qui se débat dans des situations pénibles. D’un côté, il est un père attentionné, vouant un amour profond à sa fille, voire à son ex-épouse, et de l’autre un homme qui n’hésite pas devant le meurtre. Le tout est conté avec une certaine légèreté, beaucoup d’humour noir et sarcastique, un ton enlevé. Il pointe du doigt nombre de pratiques sociétales inappropriées, contradictoires.
Ainsi, il fait donner cette définition du pèlerin : « …s’achète des chaussures, des pantalons Gore-Tex et des sacs à dos de trekking perspirants produits par un ouvrier du textile pakistanais contre l’équivalent de plusieurs fois son salaire annuel… » Il faut découvrir son approche historique de Saint-Jacques et de l’émergence du pèlerinage, la préparation de son bagage pour un mois de marche. C’est truculent, drôle, mais marqué d’une ironie féroce.
Ce troisième volet des aventures de ce singulier avocat valent leur pesant de rires, de sourires. C’est un bon moment de lecture auquel Karsten Dusse convie celui qui entre dans son récit, avec une intrigue, par ailleurs, captivante.
serge perraud
Karsten Dusse, Des meurtres pour retrouver son calme (Achtsam morden am Rande der Welt), traduit de l’allemand par Jenny Bussek, Le cherche midi, coll. “Thrillers — Les Meurtres Zen”, novembre 2023, 384 p. — 19,90 €.