L’ensemble des textes d’André Buny réunis ici sont disparates. Tout y va à hue et à dia, si bien que certaines pépites parfois drôles (p. 98 par exemple) se perdent dans une mer où là un maquereau fait d’une grue rousse son quatre heures et ses nuits. Néanmoins, entre sirènes, galions échoués, récifs de pierres et des bancs de divers poissons, tout devient un moyen de comprendre le principe d’être au monde et de donner vie à la poésie.
L’univers marin — où même les rochers font signes — crée une approche qui va du presque lyrique au pseudo scientifique, et l’ œuvre met en commun ce que les cultures dites populaires séparent. S’y produisent un renversement, un retournement, un basculement. Les poèmes deviennent parfois des jaillissements d’ellipses d’une touche venue d’ailleurs.
Et des gestes du poète glissent de drôles de poissons ardents en abandon ou mouvance étrange.
Le fond de mer reste l’abîme où le regard se précipite par la magie verbale. Des mouvements faits d’ombres voient le jour à partir de ces abysses. Mais les mots flottent et nous familiarisent autant avec le monde aquatique qu’avec nous– mêmes.
Se découvre un creusement de substrats où, jusque dans les crustacés, est repoussé le moule des monde admis. Il est transformé par des suites de métamorphoses. Dès lors, échappant à tout effet de dilatation feinte, le poème devient l’éclatement du réel qu’il éventre.
jean-paul gavard-perret
André Bouny, La mer toute entière, Z4 éditions, Les Nans, novembre 2023, 78 p. — 14,00 € .