Sandrine-Malika Charlemagne et ses soeurs — entretien avec l’auteure (“La petite ouvrière métisse”)

Sandrine-Malika Char­le­magne, après une for­ma­tion d’art dra­ma­tique chez Véro­nique Nor­dey où elle a joué sous sa direc­tion dans “L’Occasion”, de Méri­mée, a suivi des stages de for­ma­tion de l’acteur auprès de Jean-Claude Fall, dont elle sera l’assistante et comé­dienne sur deux créa­tions. Elle est deve­nue ensuite et entre autres auteure à part entière.
Ce qui la motive sont les sen­sa­tions, les images, les ren­contres, les visages, la poé­sie. Dans ses oeuvres, elle rend sou­vent hom­mage aux femmes qui sou­vent res­tent les pre­mières vic­times de guerres, crimes, viols dogmes — bref de l’Histoire et au besoin en emprun­tant des figures réelles ( Han­nah Arendt) ou mytho­lo­giques comme les Ménades et bien d’autres.

Sandrine-Malika Char­le­magne,- 

- La petite ouvrière métisse, La Rumeur Libre, 2022,

- La Tra­queuse, édi­tions Vel­vet / Souffles, 2023.


Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le désir de vivre plei­ne­ment un nou­veau jour.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je ne rêvais pas beau­coup enfant, si ce n’est de chan­ger de mode de vie. En ce sens-là, j’ai réa­lisé mon rêve.

A quoi avez-vous renoncé ?
A l’usage de la vulgarité.

D’où venez-vous ?
J’ai passé ma petite enfance en Picar­die à la cam­pagne, une bour­gade du côté de Bohain, éle­vée par mes grands-parents mater­nels, jusqu’à mes trois ou quatre ans. Ma mère était venue à Paris cher­cher du tra­vail, mais au début, c’était trop com­pli­qué de s’occuper de moi. Après, je suis reve­nue dans la capi­tale. Mon père était Algé­rien, ori­gi­naire de Makouda, une com­mune dans les montagnes.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
Des tas de ques­tions sur moi-même, les autres et le monde, du fait de mon métis­sage. En héri­tage aussi, la pau­vreté. Mais très peu d’idées reçues. Et aucune trans­mis­sion culturelle.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
A défaut d’avoir la mer à proxi­mité, je nage sou­vent à la pis­cine — je réflé­chis. Je m’évade sous l’eau. Etre dau­phin, un peu comme Jacques Mayol, ou baleine …

Com­ment êtes-vous venue à la lit­té­ra­ture ?
Je sui­vais des cours d’Art Dra­ma­tique, c’était ma pas­sion. Et puis, avec le jeu, la décou­verte des grands textes, j’ai étendu le champ de mes lec­tures, je lisais, je lisais, je lisais… Puis un jour, un déclic …

Quel poids repré­sente le passé dans votre oeuvre ?
Il est rela­ti­ve­ment déter­mi­nant notam­ment dans deux de mes romans Mon pays étran­ger et La voix du Moloch. Et en fili­grane dans mon récent ouvrage poé­tique La petite ouvrière métisse.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
La violence.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Les contes d’Andersen.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Ça dépend des jours, selon mon humeur. Ce peut-être du rock pro­gres­sif, du clas­sique — de la musique under­ground, du Gos­pel, du vrai rap à textes, des chan­sons des anciens (Brel — Ferré — Bar­bara — Fer­rat — Mous­taki — Piaf etc … etc … ) — du jazz, du chaabi, du raï, de l’afropop. Je peux aussi écou­ter en boucle un seul mor­ceau durant deux ou trois heures. La der­nière fois, c’était Ya Rayah de Rachid Taha.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Sur­tout Mar­tin Eden de Jack London.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Nous nous sommes tant aimés” et “Le choix de Sophie”.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir, qui voyez-vous ?
Celle que j’aurais aimé être…

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au Père Noël.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Les­bos et les pyra­mides d’Egypte.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Parmi les dis­pa­rus, je pour­rais évoquer Mar­gue­rite Duras dont l’œuvre m’a considérablement bouleversée, Vio­lette Leduc, les peintres Frida Kahlo et Séraphine Louis, Paso­lini, Genet, Guyo­tat, Musil, Cohen, Lon­don, le théâtre de Brecht, Godard, Vis­conti, Fass­bin­der, les pho­to­gra­phies de Dois­neau et Cartier-Bresson où je retrouve des échos fami­liers. Puis, Des­nos, Prévert, Milosz, Dar­wich, Yacine, Dickin­son, Damas, Hik­met, Trakl, Cen­drars, Hugo, Rim­baud, Sen­ghor. Liste non exhaustive.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Une petite mai­son vrai­ment à moi.

Que défendez-vous ?
La liberté et l’égalité de la femme. Et le droit de croire à l’Utopie.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
C’est un point de vue sibyl­lin. L’Amour, vaste sujet.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ? »
Pour s’engager ainsi dans l’inconnu, ça néces­site une bonne dose de confiance.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Celle qu’on ne pose jamais.

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret, pourlelitteraire.com,  le 3 décembre 2023.

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Filed under Entretiens, Poésie, Romans

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