Marie Dew, Comme un garçon

Rose de personne

Comme un gar­çon est une série d’autoportraits-performances. C’est, écrit Marie Dew, “indu­bi­ta­ble­ment un corps de femme, les carac­tères sexuels pri­maires y sont volon­tai­re­ment appa­rents, les carac­tères secon­daires sont mas­qués par une bande blanche, sans tou­te­fois trom­per per­sonne, quant aux carac­tères sexuels « sociaux ». L’idée en est pré­cise : les faire dis­pa­raître, de pho­to­gra­phie en pho­to­gra­phie. De telles méta­mor­phoses révèlent un enga­ge­ment total au coeur d’une radi­ca­lité rare. L’artiste y exprime son iden­tité avec force en ce qu’elle nomme un “rite ini­tia­tique.”

C’est aussi une manière d’outrepasser les appa­rences dans un outre-vue où le nu est rem­placé et sub­sumé par la nudité. En effet, les images ne baignent pas en un cli­mat éro­tique. Elles ne sont en rien “caliente” mais froides. Et (dit l’artiste avec rai­son) “cli­niques”. Marier Dew y pose — en noir et blanc et en forme d’épure et de vérité — la ques­tion du corps de la femme placé presque dans une chambre de dis­sec­tion.
Existe en ce mou­ve­ment qui dépasse une cer­taine idée de la beauté fac­tice un voyage, une odys­sée et une opé­ra­tion. L’art retrouve une cer­taine vio­lence chez celle qui déve­loppe son oeuvre en une variété de médiums comme la pho­to­gra­phie, la sculp­ture tex­tile, la per­for­mance, le col­lage et qui est aussi auteure et modèle.

Le geste créa­teur reste majeur dans les repé­rages et prises de cette série. Elle déter­mine un recom­men­ce­ment par un exer­cice de cou­pure et selon un fémi­nisme par­ti­cu­lier. Celle qui pen­dant 30 ans était en che­veux longs, talons hauts et jamais en pan­ta­lon, a choisi de se pri­ver de sa che­ve­lure bau­de­lai­rienne et orne­men­tale.
Marie Dew devient une sorte de Lina Pal­lotta à la fran­çaise et qui retour­ne­rait son objec­tif vers elle-même. Sa série dévoile donc au-delà de son inti­mité toute la pro­fon­deur et la vérité de la créa­trice dans un mixage de cru­dité mais tout autant de chas­teté. La pho­to­graphe crée une invi­ta­tion à être des témoins du quo­ti­dien d’une créa­trice qui trans­cende de nom­breuses limites for­melles dans une car­na­tion plus contem­pla­tive qu’érotique.

Plaçant son corps au cœur de sa recherche artis­tique, Marie Dew conti­nue à le pro­po­ser en oeuvre d’art au moment où la trans­fi­gu­ra­tion de son image lui per­met d’explorer sa part de mas­cu­li­nité et de se redé­cou­vrir en res­tant tou­jours l’ “ama­zone qui part au com­bat.” L’artiste revient aussi à une sorte de lan­gage pri­mi­tif qui n’est plus là pour séduire les vieux enfants que nous sommes.
Il n’est plus ques­tion de plai­sir mais de beauté d’incorporation et d’appartenance loin des normes, là où tout joue d’un cer­tain bal­bu­tie­ment volon­taire. Il accen­tue une force vitale bien au-delà des lois de la “haute” culture qui d’une cer­taine manière en prend ici pour son grade. Et c’est tant mieux.

Dès lors, la lutte conti­nue et elle peut lais­ser le spec­ta­teur (il ne faut plus à ce point par­ler de voyeur) aba­sourdi, sonné en étant sommé de por­ter un autre regard sur la nudité.

lire notre entre­tien avec l’artiste

jean-paul gavard-perret

Marie Dew, Comme un gar­çon, L’Oeil de la pho­to­gra­phie, Paris, décembre 2023.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Chapeau bas, Erotisme, Espaces ouverts

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>