Didier Alcante & Steven Dupré, Les Piliers de la terre — t.01 : “Le Rêveur de cathédrales”

Le début d’une fresque monumentale

Lorsqu’il expose son pro­jet d’écrire un livre grand public consa­cré à la construc­tion d’une cathé­drale, Ken Fol­lett ren­contre le scep­ti­cisme de ses édi­teurs.
Le roman paraît en 1989 et, depuis, il s’est vendu à… 28 mil­lions d’exemplaires. Il a fait l’objet d’une pré­quelle (Le Cré­pus­cule et l’Aube), d’une série télé­vi­sée, d’un jeu de société, d’un jeu vidéo et d’une comé­die musi­cale. Alors pour­quoi pas une bande des­si­née ! Didier Alcante à l’adaptation et Ste­ven Dupée au des­sin relèvent le défi.La dis­pa­ri­tion du fils légi­time d’Henri Ier, le roi d’Angleterre, dans un nau­frage sur la Manche le 25 novembre 1120 va être lourde de consé­quences.
En 1123, un homme est pendu alors qu’une jeune future maman jette des malé­dic­tions contre les juges, arrache la tête d’un pou­let, répand son sang et s’enfuit.
Au châ­teau du comte de Shi­ring, William essuie une fin de non-recevoir de la part d’Aliena quand il lui demande de l’épouser. Ivre de colère, il inter­rompt la construc­tion de la demeure où il pen­sait s’installer.

Tom qui a appris le métier de maçon sur le chan­tier d’une cathé­drale ne rêve que de recom­men­cer. Mais pour faire vivre sa famille, même pau­vre­ment, il accepte tous les tra­vaux. C’est lui qui coor­don­nait la construc­tion de la mai­son. Son ren­voi plonge ses proches dans la misère et dans l’errance. L’hiver rude aura rai­son de son épouse lorsqu’elle accouche dans la nature. Il doit aban­don­ner, le cœur brisé, le nouveau-né.
Il est secouru par Ellen, une femme qui vit seule en forêt avec son jeune gar­çon qui n’a jamais vu per­sonne. Elle devient la com­pagne de Tom et ils partent sur les che­mins.
Le frère Phi­lip, prieur d’un modeste monas­tère doit se rendre à l’abbaye de King­sbridge pour ten­ter de régler une situa­tion dif­fi­cile. Mais…

Dans ce pre­mier tome (six sont pré­vus), les auteurs, roman­cier et scé­na­riste, plantent le décor. Ils pré­sentent les cadres ouvriers, reli­gieux, poli­tiques, les prin­ci­paux inter­ve­nants qui vont por­ter l’histoire. Outre Tom le maître-maçon, Ellen sa nou­velle com­pagne, le lec­teur fait connais­sance avec la jeune châ­te­laine Aliena, le prieur Phi­lip, l’archidiacre Wale­ran et William, le méchant de ser­vice, mais pas le seul.
En ce XIIe siècle, le royaume d’Angleterre est en per­di­tion, en proie à une famine, déchiré par les guerres que se livrent les pré­ten­dants au trône.

Avec Tom, c’est la couche sociale des tra­vailleurs manuels qui est décrite avec la pré­ca­rité, toute la pau­vreté, toute la misère, bien qu’il soit un pro­fes­sion­nel de haut niveau. Ken Fol­lett observe, dans un avant-propos remar­quable, le déca­lage : “… ces hommes et ces femmes qui vivaient dans des cahutes en bois et dor­maient par terre ont pour­tant créé cer­tains des bâti­ments les plus somp­tueux que le monde ait jamais connus.
Il met en scène deux autres caté­go­ries sociales impor­tantes de l’époque, la gent reli­gieuse et la caste de la noblesse. Entre la vie dans les monas­tères et celle dans les châ­teaux ce n’est que conspi­ra­tions, pour satis­faire les ambi­tions. Les auteurs décrivent à mer­veille le quo­ti­dien de ces trois classes, les traî­trises, les com­plots, les ambi­tions, et les coa­li­tions pour satis­faire une soif de pou­voir, de ven­geance, de pos­ses­sion de terres et de richesses.

Steven Dupré par­tage la réa­li­sa­tion du gra­phisme avec Jean-Paul Fer­nan­dez qui assure la mise en cou­leurs. Ils s’appuient sur une docu­men­ta­tion, aidé par Nico­las Ruffini-Ranzoni, conseiller his­to­rique de l’université de Namur. Ste­ven Dupré offre des vues pré­cises, soi­gnées des décors qu’il s’agisse de pay­sages, de châ­teaux, de monas­tères. Il pousse la pré­ci­sion à mon­trer les traces innom­brables de pas dans la neige, recons­ti­tue les vête­ments, les acces­soires de toutes natures avec un souci du détail et de l’exactitude. Si la gale­rie des pro­ta­go­nistes est fort nom­breuse, chaque acteur reste iden­ti­fiable et pos­sède une belle expres­si­vité.
Les cou­leurs de Jean-Paul Fer­nan­dez res­pectent ce qui se fai­sait à l’époque où les teintes vives étaient peu courantes.

Un pre­mier tome d’une belle attrac­ti­vité qui met en marche un méca­nisme qui va bou­le­ver­ser des exis­tences. Un récit pas­sion­nant, éru­dit, d’une grande qua­lité nar­ra­tive, un album qui donne une forte envie de connaître la suite.

serge per­raud

Didier Alcante (scé­na­rio adapté du roman au titre épo­nyme de Ken Fol­lett), Ste­ven Dupré (des­sin) 1 Jean-Paul Fer­nan­dez (cou­leur), Les Piliers de la terre — t.01 : Le Rêveur de cathé­drales, Glé­nat, coll. “24x32”, octobre 2023, 104 p. — 19,00 €.

Leave a Comment

Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>