Pour régler le compte des “intouchables”…
Même s’ils sont, par nature, destinés à l’anonymat, les personnes chargées de régler au mieux des affaires délicates, embarrassantes pour l’État font un travail efficace. Matz s’est emparé d’un tel personnage et l’entraîne dans des situations où il lui faut intervenir sans trembler.
Avec ce nouveau cycle, le scénariste intègre des facteurs encore plus difficiles à supporter comme la prostitution d’enfants au profit d’ignobles exploiteurs. On apprend que le héros a une fille, mais qu’il ne la voit pas, ni sa mère, pour les protéger. Et ces enfants migrants touchent sans doute une fibre sensible, car le monstre absolu n’existe pas. On peut toujours trouver une infime partie d’humanité même chez les plus abjects.
Dans le tome précédent, le Tueur repère un trafic d’êtres humains pas très loin du chalet où il loge. Deux enfants se sont échappés qui lui rendent visite. Mais ils sont repris pendant qu’il est en mission. Il trouve le corps du petit garçon assassiné.
Barbara, son contact à la police, et lui cheminent à travers bois et collines vers le chalet. Ils traquent les têtes de ce réseau de trafiquants d’êtres humains. Barbara a une opportunité en Andalousie, au bord de la Méditerranée. La cible ne sort jamais, toutefois, il est sur son yacht. Quand un homme arrive vers le bateau, celui qui est visé s’avance pour accueillir ce visiteur. Le Tueur est en place mais cet arrivant reste dans la ligne de tir. Ils vont rentrer à l’abri, devenant inaccessibles. Le Tueur n’hésite qu’une fraction de seconde et tire. La balle traverse la tête de la première puis de la seconde personne. Mission accomplie pour cette phase.
D’autres dirigeants restent à éliminer, en particulier un procureur qui a quitté son épouse pour suivre une maquerelle dument authentifiée. Il est intervenue dans deux affaires, les polluant, permettant la libération des mis en cause.
Or, cette fois, face à une situation critique la froideur apparente du Tueur se fissure et…
Le scénariste prête nombre de réflexions sur l’Homme et sa nature, des pensées peu positives quant à une possibilité d’évolution des individus. A désespérer de la race humaine !
Si une partie de l’album met en scène les deux protagonistes dans un certain quotidien, vivant une petite période de vacances, celle-ci, soudain, se transforme pour devenir un intense moment d’actions.
La mise en images de Luc Jacamon est toujours aussi efficace avec son style très particulier. Il donne nombre de planches mettant en valeur des paysages, des décors urbains et fait mouche avec une suite de vignettes aussi explosives que les balles tirées par le héros.
Le personnage du Tueur a inspiré The Killer de David Fincher, un film sorti en novembre 2023 sur Netflix avec Michael Fassbender dans le rôle.Une série remarquable par la qualité des réflexions, le soin apporté à l’intrigue et pour son graphisme élégant.
serge perraud
Matz (scénario) & Luc Jacamon (dessin et couleurs), Le Tueur — t.05 — Affaires d’État : La face cachée de l’abîme, Casterman, octobre 2023, 64 p. — 12,95 €.