Mathieu Bock-Côté, Le Totalitarisme sans le goulag

 L’imminent tota­li­ta­risme

Le titre du der­nier essai de Mathieu Bock-Côté peut paraître pro­vo­ca­teur, voire ahu­ris­sant : Un tota­li­ta­risme sans le gou­lag. A le lire, nous serions enga­gés sur la voie d’une trans­for­ma­tion de notre chère, immuable et immor­telle démo­cra­tie libé­rale en un sys­tème proche de ceux qui firent du XXe siècle une véri­table bou­che­rie.
Pour­tant, pour étu­dier de près ces régimes, et en par­ti­cu­lier celui du fas­cisme, l’historien que je suis ne peut que sous­crire à cette ana­lyse, per­cu­tante, bien docu­men­tée et incisive.

La thèse du socio­logue poli­tique ori­gi­naire de la Belle Pro­vince repose sur un constat : la nature idéo­lo­gique des régimes occi­den­taux qui ont adopté, pour leur société, un pro­jet diver­si­taire, autre­ment dit mul­ti­cul­tu­rel. Pro­jet de sub­sti­tu­tion aux pro­messes mes­sia­niques du com­mu­nisme, à savoir qu’il porte en lui une Uto­pie, celle du para­dis sur Terre. Les iden­ti­tés natio­nales, reli­gieuses et cultu­relles y seront dis­soutes, et les êtres humains vivront dans l’harmonie per­pé­tuelle.
C’est déjà un point com­mun avec les tota­li­ta­rismes d’autrefois. Or, comme pour ces der­niers, la réa­lité est plus forte que l’Utopie. Sous nos yeux, l’union mul­ti­cul­tu­relle se trans­forme en déchi­re­ments iden­ti­taires de plus en plus vio­lents, par­fois sanglants.

Que fait alors le régime idéo­lo­gique quand il se heurte à son propre échec ? Les his­to­riens des tota­li­ta­rismes le savent très bien : il se radi­ca­lise, décidé à faire accou­cher aux for­ceps sa société par­faite et son Homme nou­veau. C’est ce à quoi, explique Mathieu Bock-Côté, nous assis­tons actuel­le­ment. Une radi­ca­li­sa­tion interne qui fait que les poli­tiques migra­toires main­tiennent les portes grandes ouvertes. Radi­ca­li­sa­tion pro­pa­gan­diste via l’école, les médias publics ou pri­vés, la publi­cité, laquelle fal­si­fie la réa­lité et déréa­lise la vie poli­tique. Radi­ca­li­sa­tion répres­sive contre ceux qui s’opposent au pro­jet diver­si­taire, contre le sabo­teur (le même qu’en 1793 ou en 1937) qui est extrême-droitisé, sen­tence de mise à mort sociale et d’exclusion civique. Plus besoin de gou­lag, on le comprend.

Bref, le para­dis mul­ti­cul­tu­rel ou la bar­ba­rie iden­ti­taire. L’amour de l’Autre deve­nue une obli­ga­tion poli­tique. Il existe dans tout cela un aspect reli­gieux, fon­da­men­tal dans les idéo­lo­gies fas­ciste, nazie et com­mu­niste des temps pas­sés. Et puis cette néga­tion du réel qui glo­ri­fiait les suc­cès ima­gi­naires de l’URSS et des autres pays com­mu­nistes, qui impo­sait la croyance en l’existence d’une race supé­rieure, et qui main­te­nant nous inter­dit de voir ce que nous voyons, comme de faire la dis­tinc­tion entre le Laid et le Beau dans l’art.

Alors oui, notre sys­tème poli­tique subit une modi­fi­ca­tion pro­fonde et radi­cale sous nos yeux qui trans­forme notre société de liber­tés en un “espace de réédu­ca­tion per­ma­nent”, comme l’écrit très bien l’auteur. On est donc pré­venu. Mais faut-il déses­pé­rer pour autant ? Non, pense Mathieu Bock-Côté, car l’idéologie diver­si­taire se fra­cas­sera, comme les autres, sur la nature humaine.
Ce qui passe par le refus du men­songe. Ce fut le cœur du mes­sage de Jean-Paul II aux peuples vivant sous la férule du mar­xisme. Mais avant cette vic­toire, com­bien de victimes ?

fre­de­ric le moal

Mathieu Bock-Côté, Le Tota­li­ta­risme sans le gou­lag, Les Presses de la Cité, novembre 2023, 267 p. — 22,00 €.

 

 

 

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