Dans la nuit pluvieuse, une femme est poursuivie par des hommes qui en veulent au paquet qu’elle porte, lové dans son pull.
En mai 2022, sur un chantier aux environs de Dole, dans le Jura, un bulldozer met au jour cinq caisses contenant des cadavres.
Élise, atteinte de spondylarthrite ankylosante, apprend de son père mourant du Covid qu’elle a une tante, Jeanne, qui a coupé les ponts il y a longtemps. Retrouve-la !
Le commandant Stéphane Jourdain, après avoir recueilli les aveux d’un tueur en série à Tours, retourne à l’OCRVP (Office Central pour la Répression des Violences aux Personnes) à Nanterre. Cette nouvelle affectation est la conséquence de la bavure qui a abouti à la radiation de Lucie. Il gère maintenant les affaires pourries, compliquées, anciennes, sur tout le territoire. Noémie a voulu le rejoindre dans ce nouveau job. C’est elle qui l’appelle pour lui annoncer que son groupe est chargé des cinq squelettes, en région Bourgogne-Franche-Comté. Mais les cadavres ont des caractéristiques bien particulières, ce qui promet bien des difficultés…
Pourquoi Jeanne a-t-elle coupé tous les liens avec son frère ? Et Élise se sent le devoir de retrouver cette femme sans imaginer ce à quoi elle va être confrontée…
Le roman est construit autour de deux histoires qui progressent concomitamment, le parcours d’Élise et celui du groupe de Stéphane Jourdain. Si le commandant mène une enquête de police classique, traquant les témoignages de ceux qui sont encore capables de les faire, Élise va vivre une expérience bien différente. Tous vont être confrontés à la folie, d’une manière un peu distanciée pour les policiers, de façon intrusive pour Élise.
L’intrigue porte également sur ces cinq squelettes. La disposition de ceux-ci semble cacher un code. Mais la rouerie de la romancière, pour concevoir son récit, s’appuie sur un petit point de détail qu’on peut négliger, même avec une lecture attentive, tant les péripéties nombreuses mobilisent la vigilance. De plus, il faut savoir que ce petit coin de Franche-Comté, où se déroule une partie de l’intrigue, comporte un élément essentiel.
On retrouve Jourdain et ses souffrances nées des pertes subies précédemment et celles de la nouvelle héroïne qui vit, depuis presque deux décennies, avec une pathologie cruelle.
Le suivi des membres de l’équipe policière est intéressant, Anouk Shutterberg proposant de magnifiques portraits de femmes. Ses personnages sont dotés de caractères psychologiques finement conçus. Peu à peu, avec une écriture incisive, très percutante et efface, l’auteure développe une atmosphère lourde, oppressante, n’hésitant pas devant des descriptions très réalistes, que celle-ci portent sur des moments agréables ou anxiogènes.
À noter que l’illustration de couverture est l’œuvre de l’auteure et qu’elle indique le morceau musical qui l’a accompagnée pendant la rédaction du chapitre. Avec ce livre dont le point de départ s’inspire de situations réelles touchant la romancière, elle signe un polar d’une belle facture pour le traitement de son sujet, ses apports en informations diverses et variées, les multiples péripéties qu’elle sait mettre en scène de façon remarquable.
serge perraud
Anouk Shutterberg, La nuit des fous, Éditions Récamier, coll. “Polar”, novembre 2023, 368 p. — 20,00 €.