Outremer, l’autre rive, celle de l’Orient, l’Autre-Mère, l’outre-mère, ce continent de femmes où l’on t’a conduite puis abandonnée sur le rivage sophistiqué à l’extrême du soupir et des poudres sur la paupière jusqu’aux canapés en velours rouge. Des femmes s’y allongent, plantureuses, voluptueuses.
Le cours sinueux de leurs lourdes chevelures suit le tracé de l’ombre et de la lumière. L’œil est captif. Mais derrière cette forme de perfection se cache une autre réalité : celle du déguisement et de la mascarade. Le corps épanoui des femmes repose dans des positions impossibles par rapport aux canapés, au décor factice et la toile à moitié vide.
Mais c’est bien là le travail d’une photographe perfectionniste et déçue par le réel : proposer une réalité alternative comme dans la publicité — à savoir celle de la sublimation et du leurre. L’œil est dans le décor, mais le décor est fissuré. L’érotisme est uniquement dans les visages car seuls ils traduisent que la femme est restée forte, libre et sauvage, en dépit des hommes qui veulent la posséder.
Et s’y découvre la tentative désespérée de soustraire quelque chose au temps et à la mort.
jean-paul gavard-perret
Photo Vivian Sassen