Dans Berlin-Est, tous les dangers…
Kathleen Van Overstraeten est une hôtesse de l’air belge. Elle est l’héroïne d’une saga à caractère policier, se retrouvant mêlée à des événements, des situations étranges où, avec pugnacité, elle met son énergie à résoudre le problème. Après Sourire 58, Léopoldville 60, Bruxelles 43 et Innovation 67, on retrouve la pimpante jeune femme dans une sombre histoire d’espionnage en lien avec l’Allemagne de l’Est dans l’année 1961.
Tout commence quand une jeune femme fuit après s’être fait agressée dans la salle de bains de sa chambre d’hôtel.
Kathleen et Gérard, son fiancé pilote à la Sabena, terminent leurs vacances et rentrent à Bruxelles par un train auto-couchettes. En allant aux toilettes, Kathleen aide une jeune femme à ranger sa valise. Celle-ci se présente, Annelore Schmidt, musicienne qui rêve d’être sélectionner à un concours à Bruxelles. Kathleen l’invite à se joindre à eux pour le dîner. Alors qu’ils ont rejoint le wagon-restaurant, le train s’arrête parce qu’on a actionné le signal d’alarme. Inquiète de ne pas voir arriver Annelore, Kathleen se rend à sa cabine. Celle-ci est vide, ne reste que son violon.
Kathleen est troublée car elle a perçu que cette femme avait peur. Elle décide de la retrouver pour lui rendre son instrument. Mais qui sont ces hommes qui l’épient, lui volent son portefeuille pour photographier ses documents d’identité ? Et Kathleen se trouve impliquée dans une sombre histoire en lien avec la situation à Berlin-Est, la frontière devenue infranchissable avec la construction d’un mur…
Avec cette série, les auteurs font revivre les années 1950/60 avec ce que l’époque comportait de situations politiques, de drames marquants, de conflits, d’événements qui ont fait une belle actualité. Avec cette aventure, ils braquent le projecteur sur la République Démocratique Allemande (RDA), qui n’a eu de démocratique que son titre. Ce pays est devenu un des régimes communistes les plus durs avec son bras armé, la STASI.
On suit les pas de cette héroïne particulièrement intrépide qui n’hésite pas à se jeter dans la gueule, non pas du loup, mais d’une caricature de l’ours. Les auteurs restituent l’atmosphère qui régnait dans les différentes parties de Berlin, les tentatives plus ou moins réussies pour quitter l’Est, fuir cet énorme goulag.
La STASI, cette structure qui avait réussi à recruter un agent pour cent-quatre-vingts habitants, plus de nombreux « bénévoles » chargés de surveiller quelques mauvais citoyens, avait un maillage gigantesque. Ses dirigeants avaient mis en place une opération baptisée Romeo avec des jeunes hommes charmants qui avaient pour mission de séduire des femmes pouvant avoir accès à des renseignements importants.
Ce récit remet en mémoire certaines pratiques de l’époque comme ces voyages en trains auto-couchettes qui permettaient de voyager en emmenant son véhicule sur le lieu de villégiature.
Baudouin Deville retrouve pour son dessin toutes les caractéristiques de ce genre dénommé L’École belge, La Ligne claire, genre porté au pinacle par des créateurs tels qu’Edgar P. Jacobs ou Jacques Martin. Avec une mise en page de facture classique, il donne des décors superbes et met en scène de belle manière ses protagonistes, faisant ressentir tout le dynamisme de Kathleen. C’est à Bérengère Marquebreucq que revient la tâche de la mise en lumière des planches, mission dont elle s’acquitte avec brio, retrouvant les teintes en vigueur à la fin des années 1950.
Un dossier didactique de huit pages éclaire certaines données incluses dans le scénario.
Berlin 61 offre un bel épisode de la saga de Kathleen avec ce récit où la part historique est rigoureuse, tout en laissant une intrigue subtile prendre place,et pour son graphisme bien dans l’esprit de l’époque.
serge perraud
Patrick Weber (scénario), Baudouin Deville (dessin) & Bérengère Marquebreucq (mise en lumière), Berlin 61, Éditions Anspach, novembre 2023, 64 p. — 15,50 €.