Gallimard lui devait bien ça : quelques mois après sa mort, l’éditeur se fend d’un premier florilège d’articles In Memoriam sur et pour Philippe Sollers. Tous ses proches sont là — du moins parmi les plus célèbres du Kamtchatka littéraire à l’exception de Marcelin Pleynet et Julia Kristeva qui manquent à l’appel.
Pour une fois, une telle gerbe d’hommages n’a rien de compassée et — à part B-H Lévy qui trouve l’occasion de vernir sur ses pompes d’ego sur le dos du disparu — les contributeurs se retrouvent au plus près l’homme et l’oeuvre.
Chacun(e) d’eux ouvre une facette. Schuhl : le joueur, Outers : l’homme masqué vénitien. Histoire de mettre à nu celui qui, derrière sa faconde de fanfaron à l’italienne et écrivain à réactions, cachait un homme si secret qu’au moment même où il se dévoilait dans ses jeux de miroirs il pouvait être pris pour un autre.
Ajoutons que cet ensemble reste en retenue plus qu’en dithyrambe. Chaque invité à témoigner s’est “défoncé” en un tel exercice. Pas question de servir un ragoût convenu et de passer pour un plouc. Et c’est comme si Sollers pouvait de sa tombe se moquer des postures de potentiels petits marquis de la Closerie des Lilas.
D’autant qu’au nom d’une civilité dont il connaissait les lois, Philippe Sollers a su se retirer dès qu’il a senti qu’il n’était plus lui-même le Divin communiquant. Pour lui, Lacan aurait inventé sans doute et s’il n’avait pas existé l’inconscient. Et ce, non pour en montrer les ravages mais afin que le Roi Philippe en fasse son “Paradis” sur terre.
jean-paul gavard-perret
Collectif, Hommage à Philippe Sollers, Gallimard, novembre 2023, 144 p. - 12,00 €.