Nicolas Tran, La plèbe. Une histoire populaire de Rome

Qu’est-ce que la plèbe ? 

On croit le savoir mais en réa­lité, en refer­mant le pas­sion­nant livre de Nico­las Tran, on prend conscience des igno­rances qui entourent l’histoire de ce monde. Igno­rances venues de la Rome antique elle-même puisque les sources lit­té­raires, long­temps domi­nantes, étaient impré­gnées du mépris social qu’éprouvaient bien des auteurs pour les plé­béiens, et avec eux, leurs lec­teurs aux­quels leurs œuvres étaient des­ti­nées. 
Il faut donc en faire une relec­ture cri­tique tout en s’appuyant sur les décou­vertes archéo­lo­giques pour se libé­rer de ce prisme. C’est ce que fait ici Nico­las Tran, en ren­dant acces­sibles au grand public, par un écri­ture lim­pide et un vrai souci péda­go­gique, les fruits des recherches universitaires.

Rete­nons aussi que l’ouvrage, très vivant, nous entraîne dans un voyage fort agréable au sein de l’Urbs, dans ses quar­tiers popu­laires comme sur les places des Forums, dans les ruelles de Sub­urre ou le long des voies romaines par­se­mées de cime­tières, à la ren­contre de ces ano­nymes qui ont consti­tué ce “peuple”, à la fois Popu­lus roma­nus et plebs. Car, c’est un apport majeur de l’étude, les plé­béiens se situaient certes en-dessous de l’aristocratie mais au-dessus des pélé­grins (étran­gers) et sur­tout des esclaves.
Ils étaient des hommes libres et des citoyens romains, l’incarnation du peuple-roi. A ce titre, ils exi­geaient d’être trai­tés  par les maîtres de la Ville avec toute la dignité requise, d’où les pro­di­ga­li­tés dont ils étaient l’objet. D’où leur droit à se faire entendre du Prince, notam­ment lors des jeux. Loi­sirs, croyances, modes de vie, sexua­lité, acti­vi­tés éco­no­miques, socia­bi­li­tés : aucune facette de leur exis­tence, pri­vée ou publique, n’échappe à l’œil de l’auteur.

Cela étant, rien n’était plus com­plexe que ce monde de la plèbe. Au fil des pages, le lec­teur découvre la mul­ti­tude des strates sociales, depuis les bas-fonds misé­rables des men­diants, des pros­ti­tuées, jusqu’aux arti­sans et com­mer­çants, riches entre­pre­neurs, sans par­ler des familles nobles issues de la plèbe, en pas­sant par les petits mar­chands, mais aussi les affran­chis dont la place était tout sauf négli­geable. De sur­croît, exis­taient au sein de ce monde des méca­nismes d’ascension sociale, mais aussi de régres­sion, qui per­met­taient à des hommes, et avec eux leur famille, de s’élever par le travail.

Ce que décrit en fait Nico­las Tran est un monde dis­paru depuis des siècles mais très proche du nôtre par bien des côtés, avec ses codes, ses hié­rar­chies mou­vantes, ses pas­sions, ses soli­da­ri­tés, ses ami­tiés.
Un voyage pas­sion­nant qu’on ne peut que recom­man­der aux amou­reux de la Rome antique.

fre­de­ric le moal

Nico­las Tran, La plèbe. Une his­toire popu­laire de Rome, Passés/Composés, sep­tembre 2023, 283 p. — 22,00 €.

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