Patrice Dupuis, Murmure de soupirail

L’enfer­me­ment sous toutes ses formes

Ce recueil de cinq textes est le troi­sième que Patrice Dupuis fait paraître à La Clef d’Argent, après Dans le désert et sous la lune (coll. Kho­lekTh n° 11) et Le guet­teur de séma­phore (coll. Kho­lekTh n° 18).

Le papillon de papier, ins­piré d’un conte chi­nois, traite de la per­fec­tion dans l’art et com­ment l’atteindre.
Dans Bleu falaise, l’auteur mul­ti­plie les thèmes autour d’un peintre, de la dis­pa­ri­tion sou­daine des cou­leurs et de ses consé­quences.
L’intrigue de La montre d’Héloïse s’appuie sur le déca­lage des temps phy­sique et per­son­nel, cha­cun étant amené à vivre selon un rythme propre ce qui le coupe de son entou­rage, de ses conci­toyens.
Mémoire d’une page blanche traite, à tra­vers l’histoire d’un peintre de rues, de la mon­tée du nazisme, du modèle pater­nel, du rap­port père/fils…
Un homme, tota­le­ment pri­son­nier de son corps, exprime, dans Sar­co­phage, ses sen­ti­ments dans un long mono­logue sans espoir.

Ces cinq nou­velles, ces cinq textes parlent de créa­tion, par­ti­cu­liè­re­ment de l’art pic­tu­ral pour trois d’entre eux. Si le pre­mier ne traite que de la recherche de l’absolu dans la concep­tion d’une œuvre, les sui­vants intègrent nombre de sujets qui vont du sort des exi­lés, de leur com­bat pour gar­der une iden­tité, le rap­port au temps, le nazisme et les extré­mismes et leurs méca­nismes, les rela­tions père/enfant, le sou­ve­nir, l’exil…. L’auteur évoque aussi la lutte contre le déra­ci­ne­ment, la peur de l’étranger, l’hystérie col­lec­tive, le retour à la bar­ba­rie déclen­ché par les peurs et super­sti­tions ances­trales. Il montre com­ment, quelques meneurs aux moti­va­tions ali­men­tées par des frus­tra­tions, des regrets, des relents de haine et de ven­geance peuvent entraî­ner une foule d’individus qui, pris sépa­ré­ment, sont des per­sonnes paci­fiques.
Patrice Dupuis glisse, comme élé­ment moteur de ses his­toires, quelques don­nées fan­tas­tiques comme la dis­pa­ri­tion des cou­leurs, le dérè­gle­ment tem­po­rel, dans des textes riches en réflexions, en situa­tions qui inter­pellent, qui accrochent l’attention et nous amènent à nous ques­tion­ner sur le sens de notre société, sur son fonc­tion­ne­ment, sur nos rap­ports aux autres. La der­nière nou­velle, qui ins­pire le titre du recueil est un véri­table coup de poing tant son sujet et l’intensité de son trai­te­ment font réagir. Mais le point com­mun de ces textes est l’enfermement sous des formes dif­fé­rentes, qu’il soit inté­rieur ou exté­rieur. Il aborde, ainsi, l’enfermement des idées, des corps, des sen­ti­ments, dans une obses­sion, dans un étau dic­ta­to­rial, dans les idées reçues et dans la bêtise.
Ce recueil confirme le talent de cet auteur qui sait d’une plume alerte pré­sen­ter des sujets pas­sion­nants, des textes pro­fonds et pro­pices à la réflexion.

serge per­raud

Patrice Dupuis, Mur­mure de sou­pi­rail, La clef d’Argent, coll. « Kho­lekTh », n° 23, sep­tembre 2013, 128 p. – 7,00 €.

 

 

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