Nietzsche reste dans ces textes majeurs chamane conteur et poète, bien avant même d’être philosophe. Et ce, même s’il fut réduit à cette “fonction” tant est oublié parfois que ses écrits majeurs échappent à la simple spéculation et restent les sommets de la grande littérature. Ils sont réunis ici dans une traduction nouvelle.
L’auteur y annonçait par son langage parfois ironique, toujours obsessionnel et sarcastique, une pensée philosophique qui relie la pensée matérielle et la pensée mystique. Ses “récits” — et en particulcier Zarathoustra — devinrent au fil du temps une grande narration ininterrompue mais saccadée. Chaque moment ou fragment scrute “l’horizon homérique” (Faye) dans une des oeuvres les plus sidérantes qui soit.
L’auteur regarde le monde, voit les choses qui s’éteignent et tente de retarder leur nuit comme celle de l’homme. La poésie y débaroule intensément, pour prouver que la rime du monde bat “d’un côté à l’autre, d’une côte vers l’autre”. Et Nietzsche montre les faces et les envers dans les jeux de l’histoire et d’une forme de cosmos.
Le tout dans l’éclat d’une parole poétique tentée vers l’éternel retour, vers cette heure immobile et fugitive qu’il nomme “midi et éternité”.
jean-paul gavard-perret
Friedrich Nietzsche, Œuvres, tome III : Ainsi parlait Zarathoustra et autres récits”, édition publiée sous la direction de Marc de Launay avec la collaboration de Dorian Astor, Gallimard, ollection Bibliothèque de la Pléiade, 2023, 1344 p. — 76,00 €.