Quand il en faut toujours plus…
Dans un court paragraphe introductif, Jean Van Hamme rappelle les menées abjectes de Tito pour accéder au pouvoir après la Seconde Guerre mondiale. L’album s’ouvre sur la naissance de Danitza et sur les causes de la mort de son père, Jovan Winczlav, la fuite éperdue de sa mère Aliana.
Nerio Winch apprend la mort de son père par Sidney, son frère de lait. Il règle le problème de la dame qui était en sa compagnie, mais n’assiste pas à l’enterrement de son géniteur. Il est à Washington pour se faire restituer les terres riches en pétrole dont son père avait été écarté. Alors qu’il est dans son club, il se fait traiter de nabot par un homme blond. Il va s’employer à le ruiner et augmenter sa propre fortune.
Aliana a trouvé refuge dans une structure où elle est exploitée, ne pouvant voir sa fille qu’épisodiquement. Aussi quand sa voisine de chambrée lui apprend que Danitza va être vendue à un couple en mal d’enfant, elles décident de fuir, non sans régler quelques comptes.
Et Nerio est prêt à toutes les abjections pour accroître encore et encore sa fortune au point que Sidney ne veut plus rester avec lui et s’engage dans les services du fisc…
Cette trilogie, qui s’achève avec le présent tome, raconte les origines de l’empire de Largo Winch. Et ce n’est pas reluisant. Mais, est-ce étonnant ? Y-a-t-il une fortune construite sur l’honnêteté où l’humanisme a prévalu pour la constituer ? La célèbre maxime d’Honoré de Balzac dans Le Père Goriot reste d’une actualité brûlante que ce soit dans le domaine financier, politique, entrepreneurial.
Jean Van Hamme met tout son talent à relater l’ascension de cette famille, les traîtrises, les magouilles, les meurtres mêmes pour arriver à ses fins, en l’occurrence celles de Nerio. Mais, ce n’est pas par hasard qu’il fait de celui-ci un homme de petite taille. Cet état motive très souvent ceux qui en sont frappé à des excès pour le contrebalancer. Il en est ainsi d’hommes politiques qui sévissent actuellement sur le devant de la scène et qui mettent le sort du monde en triste état.
En racontant, en parallèle, deux parcours bien différents, le scénariste relance l’intrigue et génère de beaux moments de tension. Il use, bien sûr, de l’attrait des hommes pour les femmes.
Philippe Berthet donne, avec son trait réaliste, son art de la ligne claire, des pages superbes. Si le découpage reste assez classique, il s’autorise toutefois quelques fantaisies remarquables en la matière. Si les décors sont travaillés, documentés et crayonnés avec habileté par Dominique David, ils bénéficient de la touche finale du maître.
Les teintes neutres, parfois ternes de Mado font merveille pour faire ressentir l’atmosphère des situations.
Un tome très efficace dans les actions, une véritable leçon de management cruel, une histoire solide et une mise en images redoutablement efficace.
serge perraud
Jean Van Hamme (scénario) & Philippe Berthet (dessins), Mado (couleurs), La Fortune des Winczlav — T.03 : Danitza 1965, Dupuis, coll. “Grand Public”, septembre 2023, 64 p. — 16,95 €.