Mathieu Lauffray, Prophet — tome 2 : “Infernum in terra”

Seul aux com­mandes de sa grosse cylin­drée, Lauf­fray passe le virage sans se faire de croûtes aux genoux. Bien joué

Nous autres du Lit­té­raire, ce n’est guère le mau­vais esprit qui nous étouffe, au contraire, ce serait même la pré­ten­tion de ne pas en avoir, et donc d’assurer nos cri­tiques en toute indé­pen­dance. Aussi, lorsque nous cri­ti­quons ver­te­ment un album, ce n’est pas pour avoir des comptes à régler avec les auteurs. Et a contra­rio, lors que nous pré­ten­dons que Pro­phet est une série rare, ce n’est pas pour avoir des actions chez les Huma­nos ni pour avoir passé Noël chez les Lauf­fray. Encore que le gars nous ait fait un cadeau, un vrai, avec ce second tome des aven­tures de Jack Stan­ton, le scien­ti­fique bou­gon perdu sur une Terre paral­lèle rava­gée par les forces de l’Enfer. Et comme si ça ne suf­fi­sait pas à nous l’énerver, voilà qu’une troupe de sur­vi­vants new-yorkais dégui­sés en gar­çons per­dus mad-maxiens veulent en faire leur Peter Pan. Stan­ton en pro­phète d’un âge post-apocalyptique ? Il est bien le der­nier à y croire. Parce que nous autres, lec­teurs, on marche à fond.

Ce n’est pas faire au offense à Lauf­fray que de lui dire qu’on s’est méfié de prime abord, en appre­nant que son com­parse scé­na­riste Dori­son (Le troi­sième tes­ta­ment) le lais­sait seul aux com­mandes de la série après un pre­mier tome pro­met­teur. Force est de consta­ter pour­tant que Lauf­fray a su pro­lon­ger la magie, en cam­pant de belle manière une atmo­sphère démo­niaque et apo­ca­lyp­tique lui per­met­tant de don­ner libre cours à son sens de la mise en scène et du décou­page, avec quelques planches d’action, comme la page 15, à cou­per le souffle, et qui devraient consti­tuer un modèle de com­po­si­tion pour tout débu­tant dans le métier.

Très allé­chante dans le pre­mier tome mais guère copieuse, l’intrigue n’est pas en reste, et ras­sa­sie les ima­gi­na­tions affa­mées. Qu’on ne s’attende tou­te­fois pas à trop de révé­la­tions, car, en dépit d’un rythme dia­bo­lique, on fonce dans le noir sans anti­brouillards, mais c’est aussi là la force de cette série que d’installer sa cré­di­bi­lité sur le fris­son du non-dit plus que sur des concepts scé­na­ris­tiques alam­bi­qués. Avec ses vieilles his­toires de démons rouges et cor­nus tirés des enfers, Lauf­fray réus­sit le tour de force de souf­fler sur les braises de nos peurs ances­trales plu­tôt que de ten­ter l’incendie inédit en terres étran­gères. C’est malin et talen­tueux. Et fran­che­ment on en redemande.

damien perez

   
 

Mathieu Lauf­fray, Pro­phet — tome 2 : “Infer­num in terra”, Les Huma­noïdes asso­ciés, 2003, 48 p. — 12,35 €

 
     
 

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