Cristina Pasqua ne se veut pas une artiste. “Je shoote au hasard, de manière impromptue sans préméditation”, dit elle. Néanmoins, chaque prise est le fruit peut-être inconscient, nourri par celle qui a étudié le cinéma et le montage et a obtenu un diplôme en histoire et critique du cinéma.
Elle possède donc un œil exercé et bien sûr un point de vue. “Mais d’ici à se définir comme un artiste non.”, ajoute-t-elle.
Par ses autoportraits elle crée pourtant une sensualité naturelle, innocente dans sa façon de se montrer mais cachée et de montrer-cacher son corps. Aux zones habituelles de radiance sensuelle, elle privilégie des zones plus allusives : les jambes jusqu’à mi-cuisses généralement. La source suave est donc décalée et cela dans les espaces du quotidien (rue, bus, chambre, etc) : ce qui permet de jouer avec les effets de voyeurisme autant dans le réel que dans l’autofiction visuelle.
“C’est un journal intime, une façon de se souvenir de mon passage ou de ma stase, qui n’a rien d’artistique si ce n’est le goût de ciseaux sur des portions du présent pour les rendre, d’une certaine manière, éternelles”, écrit la photographe. Elle a donc besoin que les série des religieuses, des antennes, des genoux, des ombres tracent des chemins.
Pour autant, ce parcours devient un journal presque intime mais aussi un piège au regard là mais où rien n’est donné que des indices entre l’intimisme et le public, le dehors et le dedans.
Certes, tout est fait sans y toucher, avec naturel mais la pause garde son rôle pour mettre en scène entre autres la silhouette ailée de l’artiste offerte comme un fantôme pour que (même inconsciemment de la part de la photographe) le voyeur en soit charmé et qu’elle reste une de ces belles Romaines tant chantées dans la poésie française.
Néanmoins, il faut “lire” cette suite autobiographique au regard de toutes ses séries. Et les religieuses comme les paysages attachent plus aux cieux qu’à la terre. Le tout non sans un humour qui n’est pas fait que pour sourire là où la sensualité comme la spiritualité vit dans une forme d’aporie.
Dès lors, par les trous du psychisme, les choses se passent, la vie se déroule là où la pulsion scopique qui ignore les bienséances ici ne les dépasse jamais. La photographe sait qu’elles ne se changent pas comme un disque et quel que soit le nombre de leurs tours.
Dans cette “oeuvre sans oeuvre” et qui se refuse comme telle, Cristina Pasqua dit “ne pas rechercher de retour de la part de l’autre, seulement ma satisfaction complètement personnelle du regard.” La question reste toutefois ouverte en de tels “échanges” ou témoignages.
jean-paul gavard-perret
Cristina Pasqua, voir son Instagram.