En vingt journée selon un découpage qu’affectionna Sade - qui erre et bien plus dans ces pages -, Jacques Cauda rappelle son arrivée au château de Silling où Donatien fit pénitence. L’auteur contemporain avait 17 ans alors et dit n’en n’être jamais sorti contrairement à une autre spécialiste de Sade : Annie Le Brun, même si elle se retrouva ensuite malade parce que troublée.
Cauda en fit d’une certaine manière son chez lui (“autrement dit ma cage”, précise-t-il) pour ses fantaisies disparates et ses dédoublements d’usage. Mais le rapprochement entre les deux écrivains ne s’arrête pas là. Il se sent animal de la ménagerie de Vincennes, ce que DAF de Sade estimait lui aussi être.
Le vorace qui tient son corps comme la prison de son être — mais aussi son donjon — porte de plus “le même nom que la précieuse amie du marquis, je suis né de Saint-Germain.”. Et cerise sur le gâteau, son atelier se situe à l’emplacement d’une ancienne propriété de la famille de Sade.
Tout est donc en place pour la multiplication du “Je” de Cauda — nom emprunté à un dieu latin (qui eut les faveurs de Michel Leiris). Ce “pseudo” prit possession de son être — queue comprise. Dès lors, l’auteur devient ici et une fois de plus unique et autres, un et plusieurs. Entre lui et Sade, il y a aussi divers joints dont Pasolini et Cézanne pour faire le point.
Planqué comme un voyou en cavale, chat voyant amarré à ses spectres, il mélange les époques pour édifier sa biographie entre vérité et mensonge, le second étant souvent plus juste que la première. De Valrose à Cézanne en passant par d’autres chausse-trappes, le peintre écrivain, amateur de femmes peut aussi bien enfiler une robe que les enfiler pour se transformer lui-même en fleur parmi les fleurs.
Chasseur sachant se chasser de son propre écho, il sait disparaître pour rester plus présent dans ses détours subjectivistes, capable de peindre l’amour en faisant le mort mais l’inverse est vrai aussi. Et ce, depuis le lieu du lieu qu’est Silling : “c’est mon corps, le corps du livre que vous avez là devant vous”. Je est donc aussi géographique.
jean-paul gavard-perret
Jacques Cauda, Florbelle, Editions Tinbad, Paris, 2023, 96 p. — 17,00€.