Virginia Woolf, Le Métier

Virgi­nia Woolf : le mot-peau

S’inter­ro­geant sur l’emploi des mots en tant qu’outils et matière à construire, Vir­gi­nia Woolf pro­pose une digres­sion sur le lan­gage au sein de sub­tils détours qui animent ce texte vif et sur­pre­nant. « Les mots ne vivent pas dans les dic­tion­naires, ils vivent dans l’esprit. Si l’on en vou­lait la preuve, qu’on se sou­vienne com­bien de fois, aux ins­tants d’émotion, on les cherche sans les trou­ver, quand on en a le plus besoin. » écrit l’auteur. Son texte jalonné d’habiles détours devient la tra­ver­sée de lan­gage et de sa matière indomp­table.  « Il n’y a rien de plus sau­vage, de plus libre, de plus irres­pon­sable, de plus impos­sible à dres­ser que les mots. » précise-t-elle.
Le livre sla­lome entre eux au gré de ce qui res­semble à une cau­se­rie enjouée et allègre. Elle montre que si les mots ne sont pas sclé­ro­sés dans un cor­pus sté­réo­typé, ils créent une mul­ti­tude de pay­sages en un désordre orga­nisé que l’humour fait tan­guer. Le texte devient une eau limo­neuse qui par­fois fait flaque et par­fois file droit. Ecrire revient à pro­duire un lit sem­blable à celui d’une rivière (où l’auteure finira par se perdre). Et ce texte reste à la limite entre l‘air et l’eau. Ces der­niers exposent en effet à l’énigme de l’espace puisque la visi­bi­lité devient un état liquide. Sur­git la pro­fon­deur de l’eau où le réel se tord. Mais aussi la pro­fon­deur de l’air où la réa­lité s’allège.

La sen­sua­lité prend même des tour­nures par­ti­cu­lières. Ni la cer­ti­tude, ni le fan­tasme ne les déter­minent. Rien ne se dit, tout se tait. Mais ce n’est pas le silence. Sinon celui où il remue. Les mots sont donc pour Woolf des insom­niaques rêveurs dont elle appré­cie et fait appré­cier le pou­voir de leurs sou­pirs et de leur « peau » fuyante.

jean-paul gavard-perret

Vir­gi­nia Woolf, Le Métier, cal­li­gra­phies de Pierre Ale­chinsky, tra­duc­tion de Domi­nique Aury, Fata Mor­gana,  2013, 40 p. -, 1000 €.

1 Comment

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One Response to Virginia Woolf, Le Métier

  1. Geneviève Montagné

    Bon­jour, je découvre cet ouvrage de Vir­gi­nia Woolf grâce à une émis­sion de France Culture (série Grande Tra­ver­sée). Elle disait : “Je sens dans mes doigts le poids de chaque mot” ! Quelle femme intense et fra­gile, funam­bule cher­chant cou­ra­geu­se­ment un centre de gra­vité où pui­ser la plus lim­pide sub­stance de ses écrits. Je vais pas­ser plu­sieurs jours auprès d’elle, à la lire, à l’écouter, à l’approcher. J’ai un livre en pré­pa­ra­tion loin d’être achevé et où je vais la réflé­chir sous un angle per­son­nel comme je l’ai déjà fait pour d’autres artistes. S’il vous plait d’en savoir davan­tage, c’est sur www.desartsauxastres.com je vous en remer­cie et sui­vrai vos publi­ca­tions de qua­lité. Geneviève

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