Quand la grande Histoire tutoie le thriller
À l’automne 1939, les autorités belges confient à la France leur stock d’or pour le mettre à l’abri des convoitises nazies. Il doit partir, avec l’or français, vers les États-Unis. Mais, la défection de l’escorte anglaise modifie les plans. C’est ainsi que cet or a été emmené d’abord à Dakar puis transféré à Kayes, une bourgade du Soudan français.
L’accord franco-allemand du 11 décembre 1941, à Wiesbaden, prévoit la mise à disposition de l’or belge à la Reich Bank, protégeant ainsi, momentanément, les réserves françaises. Quelques caisses des 4944 sont envoyées par avion à Berlin.
Parce que les voies aériennes et maritimes sont contrôlées par l’aviation et la marine britanniques, il est décidé que le reste sera livré par voie terrestre. C’est un périple de cinq mille kilomètres entre voies ferrées, navigation fluviale et pistes à travers le désert.
C’est ce transport, avec toutes les vicissitudes possibles, que raconte ce second tome ajoutant du piment supplémentaire avec une belle dose de fiction mêlant nombre de personnages historiques comme le roi des Belges, des membres du commando du capitaine Beyney.
On savait que les nazis étaient avides de s’emparer des réserves d’or des pays envahis pour financer leur économie de guerre. Mais, si les historiens ont largement relaté les événements principaux, certes très importants, ils ont laissé certaines zones d’ombre, quelques sagas qui restent encore ignorées ou peu racontées. Et cet épisode sur les tribulations de cette fortune, ce transport et ses conditions de déroulement dantesques, reste peu connu. C’est donc avec un réel intérêt que l’on découvre ces actions qui ont impliqué des individus plus grands que nature faisant passer leurs idéaux avant leur sort personnel, suscité tant d’efforts.
Ce récit, bien que largement historique, devient aussi palpitant qu’un thriller avec l’apport de fiction des scénaristes. Pierre Boisserie et Philippe Guillaume traite le sujet avec réalisme et lève le voile sur une épopée haute en couleurs qui n’échappe pas, cependant, aux drames.
Le travail graphique de Stéphane Brangier, mêlant une large palette réaliste avec un peu de caricature, sert avec maestria cette histoire. Il propose des protagonistes bien campés, avec une belle perception de leurs rôles, les plaçant dans des décors superbement représentés. Son souci du détail apporte un plus non négligeable.
Ce second volet du diptyque est complété par un dossier éclairant qui retrace le cheminement historique de cet or. Une belle histoire dans l’Histoire que cette épopée d’un vrai trésor dont il fut difficile, après la victoire des Alliés, de retrouver la totalité.
serge perraud
Pierre Boisserie & Philippe Guillaume (scénario), Stéphane Brangier (dessin et couleurs), L’Or des Belges — Tome 2, Dargaud, septembre 2023, 64 p. — 16,95 €.