M–A Schatt dans tous ses états
Les oeuvres de M-A Schatt dégagent une puissance de la couleur et de mouvement. Cela ne va pas sans une certaine élégance mais de manière particulière.
D’où divers jeux entre le subtil et le criard, l’arrogant et le secret là où, derrière leur luxuriance, jardins et grotesques dessinent l’envers du miroir où se découpe une sorte de désertification mais par trop pleine de tâches bleues, rouges, jaunes, des lignes, des signes, des replis, des détours qui s’enchevêtrent et dansent.
Afin d’éliminer les évidences d’un ordre paramétré, l’artiste crée d’un geste libre, spontané, obligé un travail de préparation nécessaire. Elle le reprend, biffe, rature, transfère ensuite pour que ses intuitions, ses turbulences trouvent toute leur puissance.
L’abstraction prend l’aspect d’une peinture faussement inachevée. Car c’est justement la vivacité de cette fabrique qui donne un forme définitive à ce qui tient de paysages, qu’ils soient réels ou mentaux et leurs réseaux.
Surgit un monde ou une vie à l’envers là où tout gronde. Restent des friches de l’être et du réel. Les deux ici ont basculé derrière le miroir des apparences des maillages qui circonscrivent des zones d’abandon tramées.
Un “borderland” voire un “bordel land” échappe à toute localisation précise et donne une sorte d’éternité à cet éphémère soudain figé. Il appelle l’humain à l’horizon de ce qu’il a créé — ou détruit — et que l’artiste traduit en sa colère ouverte à un vertige visuel. Pouvons-nous encore parler d’abstraction ? Rien n’est moins sûr.
jean-paul gavard-perret
Michaële-Andréa Schatt, Diagrammes de la colère, Galerie Isabelle Gounod, Paris, du 14 octobre au 18 novembre 2023.