L’amour et son corollaire érotique engendre souvent une consommation effrénée d’un(e) seul(e) partenaire. Or, cette pratique usuelle est comme celle de la drogue : à mesure qu’on en abuse, ses effets s’amenuisent. D’où le programme que propose la narratrice : la multiplication exclusive (ou presque) des premières fois.
Certes, resservir les plats est parfois utile mais juste pour comprendre et apprécier la première fois surtout lorsqu’elle se produit une certaine inconscience pas toujours évitable, surtout pour les profanes qui ignorent les méandres d’une philosophie épicurienne et belge. En dehors de cet exception qui confirme la règle, il s’agit donc, non de reprendre une expérience qui peut entamer le préjudice d’un exercice de reproduction, mais de multiplier l’attachement initial. Quitte à ce qu’il devienne addictif. Mais qu’importe : il offre et nécessite à chaque nouvelle rencontre une manière de se reconstruire et de se réinventer.
Choisir et ne retenir que les premières fois reste donc la meilleure solution pour celles et ceux qui veulent apprécier (et c’est un euphémisme) l’amour et l’eros en toute connaissance de cause. Et surtout d’effets. En témoigne la liste des premières fois évoquées dans ce livre (sept au total) avec leurs référents, pratiquants explicites ou presque de la planète érotique.
Il existe là sans doute de la part de Véronique Bergen une sorte de panthéon de ses incendies. Sa narratrice devient une miss héroïne (aux deux sans du terme). C’est pourquoi elle détrône les stupéfiants successifs relégués au rang d’officier de plus ou moins bas étage. Nous ne pouvons donc que suivre les indices de cette philosophe supérieure qui ajoute à la théorie la pratique avec autant de lyrisme que d’humour dans une langue océanique.
Elle fait des romantiques des sortes de suicidaires en sursis. En conséquence et comme elle, à nous de choisir nos élu(e)s et d’en finir au plus vite afin de ne pas basculer dans une sorte de jansénisme érotique. Bref, Véronique Bergen apprend à expérimenter des mondes là où le multiple est un au sein d’une liturgie sauvage. A notre tour de multiplier des premières fois félines, louves, ophidiennes piscicoles, capricieuses ou autres. Seule l’expérience des premières fois permet de sortir l’emprise tyrannique qu’implique la répétition.
Véronique Bergen s’adresse donc autant à ses adeptes qu’à nous-mêmes. Elle devient notre guide incomparable pour affronter l’amour. Elle rappelle que l’adorations fervente et continue n’est qu’une vue de l’esprit. Au ténébreux de la routine, elle indique le soleil de la magie première. Elle sait combien peu de temps durent ses principes actif ;, c’est pour cela que l’auteure redresse l’imaginaire érotique confiné en un pacte mystique. Pour ce faire, l’auteure ose pratiquement mélanger son sang rouge au sang noir de l’encre.
jean-paul gavard-perret Véronique Bergen, Premieres fois, Editions Edwarda, coll. « Climats », ‚2017, 105 p. — 18,00 €.