Vìctor L. Pinel, Échecs

Une vir­tuo­sité d’intrigues

Avec ce récit aux mul­tiples pro­ta­go­nistes, l’auteur sou­haite illus­trer la vie et les rela­tions humaines comme dans une par­tie d’échecs. C’est un jeu qu’il appré­cie car chaque pièce est dif­fé­rente, cha­cune avec ses contraintes de dépla­ce­ment, ses avan­tages et ses fai­blesses.
Ainsi, il aime l’idée que chaque évé­ne­ment, même ano­din, a néces­sité l’intervention de nombre de fac­teurs, de per­sonnes, que des actions se sont imbri­quées pour un résul­tat… bon ou mau­vais.

P
our lui, le des­tin où tout est écrit d’avance n’existe pas. Ce sont les inter­ac­tions, mêmes les plus minimes, qui agissent et abou­tissent à une situa­tion. Les ren­contres, les rendez-vous man­qués, les absences construisent une vie. Si des phé­no­mènes natu­rels peuvent influer, ce sont essen­tiel­le­ment les per­sonnes qui agissent à l’image des pièces d’échecs où un seul pion, pièce insi­gni­fiante, peut faire bas­cu­ler une partie.

La direc­trice de la mai­son de retraite, Marion, sur­prend Madame Dubois fumant un cigare dans sa chambre dont elle ne sort jamais. Celle-ci répond qu’elle pré­fère les ciga­rettes, que c’est tout ce qu’elle a trouvé dans cette pri­son.
King, un comé­dien, ter­mine une scène où il inter­prète un pro­fes­seur. Il est la vedette d’une série, mais la pres­sion que lui met son agent l’insupporte.
Une jeune chan­teuse de rue échange un regard avec un homme assis avec ses amis à une ter­rasse. On les retrouve quand elle se rha­bille, ne vou­lant pas pour­suivre la rela­tion.
Au lycée, Vincent est le meilleur, le gagnant, que ce soit en sport ou avec les filles. Un couple de per­sonnes âgées n’a plus les mêmes désirs et occu­pa­tions. Elle aime lire alors que lui ne rêve que de dan­ser.
Renaud n’a qu’Internet pour échan­ger avec son amant en mis­sion, pour une ONG au Costa Rica. Samir, un béné­vole du pro­gramme de visiteurs-accompagnateurs, veut s’occuper de Madame Dubois, se fai­sant fort de la faire sor­tir de sa chambre. Après un bref entre­tien qui se ter­mine mal. Déso­rienté, il ren­verse le jeu d’échecs qu’elle a en per­ma­nence près d’elle. Devant l’ignorance de Samir pour ce jeu, elle décide de lui apprendre.
Ils sont tous connec­tés sans en avoir conscience et vont être entraî­nés sur des che­mins qui vont chan­ger leur vie.

Vìctor L. Pinel met en scène une dizaine de pro­ta­go­nistes prin­ci­paux, et leur entou­rage, autour d’un couple formé par Madame Dubois et Samir. Une jeune chan­teuse, un couple âgé, un acteur en pleine gloire, un lycéen macho, deux homo­sexuels, une jeune élève, une femme en cours de divorce forment le sque­lette du récit. Avec eux, il évoque des suc­cès, des échecs, la fidé­lité, les men­songes, les sites de ren­contre, la mas­cu­li­nité toxique…

Alter­nant des­sin réa­liste et cari­ca­ture, il offre un gra­phisme atta­chant, aux traits légers, aux teintes pas­tel bien agréables au regard. Si les per­son­nages occupent sou­vent le pre­mier plan, les décors ne sont pas négli­gés mais tra­vaillés avec soin pour que le cadre soit en har­mo­nie.
Avec Échecs, un titre à plu­sieurs inter­pré­ta­tions, Vìc­tor L. Pinel réa­lise un album remar­quable par la vir­tuo­sité de ses intrigues, pour la variété des per­son­nages, des situa­tions, des par­cours, la richesse des sym­boles, le tout illus­tré avec un soin qui emporte l’adhésion.

serge per­raud

Vìc­tor L. Pinel, Échecs, Bam­boo, label “Grand Angle”, août 2023, 176 p. — 24,90 €.

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