Nadine Monfils, Les folles enquêtes de Magritte et Georgette — Charleroi du crime

Un cosy crime bien déjanté

René Magritte (1898 — 1967) est un authen­tique peintre belge dont l’œuvre relève du sur­réa­lisme, de l’art moderne. Il était pas­sionné d’histoires de détec­tives et avait un goût mar­qué pour les romans poli­ciers de la Série Noire publiés par Gal­li­mard. Aussi l’idée de Nadine Mon­fils de lui faire mener, avec Geor­gette son épouse, des enquêtes comme détec­tive, n’est pas inso­lite.
Pour le sixième volume de la série, la roman­cière emmène son couple de détec­tives à Char­le­roi après Bruxelles, Knokke-le-Zoute, Bruges, Liège. Leffe.

Florent Ber­tin, le bou­lan­ger de Jette, a perdu Céline, sa com­pagne depuis dix ans, écra­sée par une voi­ture. Elle ser­vait au maga­sin et était appré­ciée par tout le monde. Depuis, il se mor­fond et perd le plai­sir de pétrir la pâte.
Les Magritte sont de bons clients, Geor­gette raf­fole des Mer­veilleux, ces gâteaux à la meringue que réa­lise Florent. Ce dimanche, il décide de fer­mer son maga­sin pour aller au mar­ché aux puces de Marolles, au grand dam de ses clients. Là, à un moment, il butte dans un car­ton, éta­lant une par­tie de son contenu. En le remet­tant en place, il voit une vieille photo où il croit recon­naitre Céline. Il l’identifie avec cette tache de vin sur son bras gauche. Pour un prix déri­soire, il  emporte le tout qu’il exa­mine chez lui jusqu’à trou­ver, au fond du car­ton, un jour­nal. Celui-ci relate la mort, dans l’incendie de leur villa, de la famille Fau­con­nier, les parents et leur fille Céline.
Il se pré­ci­pite chez les Magritte, les sachant un peu détec­tives, leur deman­dant d’élucider ce mys­tère : com­ment peut-on mou­rir deux fois ?

Si la traque de la vérité trône à la pre­mière place, une belle par­tie du livre est occu­pée par la vie du couple Magritte, leurs rap­ports entre eux et leur entou­rage. L’auteure les raconte, détaille à la fois leur quo­ti­dien, avec Lou­lou le chien, et l’œuvre de René, ses sources d’inspiration et ses facé­ties. En effet, si ses pein­tures sont mar­quées par une volonté de mon­trer un autre aspect des per­sonnes, des objets, le héros est aussi fan­tasque que ses tableaux. La roman­cière puise dans nombre d’écrits le concer­nant comme sa cor­res­pon­dance avec son ami Louis Scu­te­naire, ses inter­views. Ainsi, elle fait per­ce­voir son rap­port au réel, son goût pour la farce.
Elle fait nombre de réfé­rences à ses tableaux, à ses connais­sances, à son enfance avec la perte bru­tale de sa mère. Elle sus­cite l’envie de voir ou revoir les œuvres avec un regard dif­fé­rent, éclairé par les révé­la­tions sur le cadre et le contexte de leur concep­tion. Le couple est entouré de pro­ta­go­nistes hauts en cou­leur qui apportent leur pierre à l’édifice jusqu’à un dénoue­ment assez surprenant.

L’humour est omni­pré­sent, un humour belge, caus­tique, pétillant, servi par une plume alerte où les expres­sions wal­lonnes foi­sonnent, mul­ti­pliant le plai­sir de la lec­ture.
Avec ce couple où Geor­gette a toute sa place, Nadine Mon­fils signe une série de cosy crime bien déjan­tée, met­tant en scène, de belle manière, un per­son­nage sur­réa­liste tout en livrant une réflexion très docu­men­tée sur l’art de René Magritte.

serge per­raud

Nadine Mon­fils, Les folles enquêtes de Magritte et Geor­gette — Char­le­roi du crime, Robert Laf­font, coll. “La Bête Noire”, août 2023, 216 p. — 14,90 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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