Pour lui, la retraite, c’est impensable
Un commentaire sur les raisons qui poussent les éléphants d’Asie à quitter le troupeau quand ils atteignent un certain âge accompagne le départ en retraite d’un policier. L’un de ceux qui assiste à la cérémonie s’en va au Balto, un troquet de quartier.
Là, il fait face à deux jeunes femmes inquiètes quant à la disparition de leur amie. Elle n’a pas donné signe de vie depuis quinze jours. Elles sont camgirls, mais doivent lui expliquer en quoi consiste cette activité. Elles n’ont qu’une photo de groupe et l’une d’elle possède son numéro de carte bancaire et son code. Elle effectue, pour elle, un virement bancaire important par mois.
C’est avec ces maigres éléments que le retraité de la police, surnommé Balto, se rend à l’agence bancaire. Il connaît bien le directeur. Muni de quelques renseignements complémentaires, il se rend chez une adolescente qui maîtrise très bien l’utilisation d’Internet.
Peu à peu, il remonte une piste, recherche qui se cache sous le pseudo Lagarde et Michard, jusqu’à des situations bien difficiles…
Aurélien Ducoudray a un faible pour les héros du quotidien, les marginaux, voire les laissés-pour-compte. Il propose, ici, un personnage attachant, un individu comme on peut en rencontrer souvent. Il était un flic intransigeant. Il est retraité et, pour combler sa solitude, il enquête pour ceux qui le sollicitent.
Il rend visite chaque semaine à son épouse en prison pour lui apporter son chat. Lors d’une affaire, il l’avait surprise dans une situation illégale et dénoncée.
Une galerie de protagonistes, tous hauts en couleur dans leur genre, accompagne le héros. Entre Jessie, une jeune hackeuse qui ouvre à Balto l’univers du Web, Riton, un serrurier au passé trouble qui a encore bien des tentations, le patron de bistrot, les piliers de zinc, les flics et toute une population de quartier, le scénariste compose une singulière fresque sociale.
Il aborde le milieu de prostitution, à travers cette forme particulière que sont ces séquences de voyeurisme avec son déroulement convenu. Sans effets, à la manière Mission Impossible, l’auteur instille un suspense soutenu par une intrigue subtile. Il met en scène cette population lui faisant servir des dialogues où la gouaille et la truculence qui ne sont pas sans rappeler… Ainsi “Les suspects, ça peut tout faire… C’est même à cause de ça qu’on les suspecte !”
Damien Geffroy assure en dessin semi-réaliste restituant à merveille le petit monde qui peuple cet album. Il n’hésite pas à typer les personnages, jouant sur le visuel pour les flashbacks, montrant, selon les époques du récit, Balto avec ou sans cheveux. Il recrée l’atmosphère des bistrots miteux où le menu du jour est le même depuis toujours, les HLM sans âme. Mathilde D’Alençon use d’une colorisation très variée qui soutient fort heureusement le graphisme.
Ce premier tome, le dénouement laisse supposer une nouvelle enquête, met en place une belle galerie de protagonistes où suspense et humour le disputent à une intrigue fort intéressante, mise en image de belle manière.
serge perraud
Aurélien Ducoudray (scénrio), Damien Geffroy (dessins) & Mathilde D’Alençon (couleurs), Inspecteur Balto, Bamboo, label Grand Angle, juin 2023, 64 p. — 16,90 €.