Dans sa note qui précise le sens son livre, Hélène Natier pos combien “Seuls les mots guérissent des maux”. Grâce aux premiers, elle raconte son histoire, celle d’une fillette victime d’inceste.
Dans cette évocation douloureuse, Diane devient la porte-parole fictive de celle qui nous introduit dans la vie d’une petite fille qui devient peu à peu une femme. Victime d’une mère qui l’a rejetée dès la naissance, elle est chosifié et au fil du temps elle se rend compte que son rapport à son corps n’est pas celui des filles de son âge.
Mais c’est toutefois seulement à la trentaine qu’elle prend conscience de son amnésie traumatique. La voici face à l’impensable : son grand-père a abusé d’elle. A partir de là, un long chemin commence pour retrouver son corps spolié.
Ce livre est la conséquence d’un travail thérapeutique commencé sur le conseil d’un écrivain québécois. Et celle qui noircissait des pages depuis l’âge de 9 ans trouve soudain l’envie d’écrire un “vrai” livre et de le publier pour se rappeler enfin qui elle était et pour prouver qu’elle reste plus que jamais vivante.
Un éditeur qui a repéré l’auteure grâce à son blog a voulu éditer ce livre. Il resta dix ans néanmoins dans un tiroir. Elle dut attendre la naissance de son petit-fils pour sauter le pas. Diane y devient donc l’émettrice de ce qu’Hélène Natier a subi sans comprendre et qu’elle évoque avec son regard de fillette. Des mots puissants énoncent cette horreur même s’ils restent bien en deçà de la souffrance physique, ajoute-t-elle.
Certes, des moments plus doux alternent mais c’est pour mettre encore plus à nu ceux qui décrivent le mécanisme qui se retrouve dans les nombreux témoignages d’inceste : l’abus de pouvoir, la manipulation, le secret, le déni.
Et l’auteure permet ainsi de rappeler l’essentiel. En guise de prétendu amour n’existait que la maltraitance : “Je sais aujourd’hui ce que c’est d’être une femme, mais je ne saurai jamais ce que c’est d’être une petite fille.”
L’auteure offre un regard lucide sur ce qui l’entoure. Néanmoins, elle a gardé espoir en l’humain. Après avoir revécu dans sa chair d’adulte les douleurs de l’enfant, elle croit encore en l’amour et le prouve en évoquant celui pour l’homme de sa vie. Il est devenu le pain d’amour, d’anis et de lumière face à l’ombre du passé. Par lui, la peau douce de l’aimée possède la longue haleine d’une envolée céleste.
lire notre entretien avec l’auteure
jean-paul gavard-perret
Hélène Natier, Presque rien ! — #MeTooInceste, Editions Kawa, 2021, 221 p. — 24,00 €.