L’odyssée des deux frères se poursuit
Avec le parcours des frères Salomon et Moïse Rubinstein, Luc Brunschwig raconte l’histoire des années 1930 à 1945, à travers la montée de l’antisémitisme en Europe. D’origine polonaise, ils ont grandi en France puis, pour fuir la menace du fascisme, ils ont rejoint les États-Unis. Salomon occupe une place de producteur à Hollywood alors que Moïse cherche encore sa voie.
Le présent tome commence quand, à Sobibor, la déportée responsable du salon de coiffure, découvre que les abords du camp d’extermination ont été minés. Elle en informe Moïse et Léon qui tentent de mettre au point un plan d’évasion.
Mais on retrouve Moïse en avril 1936, lors d’une fête organisée par Gabrielle Silviera. Il a été recruté par elle comme homme de confiance pour gérer ses affaires sur les conseils de Salomon qui fut son amant. Or, il ne l’a pas présenté que pour la fine gestion de ses entreprises et cela dérape fort.
Au camp, l’arrivée de prisonniers russes semble offrir des possibilités que les deux comploteurs veulent exploiter…
Les différences entre la vie à Hollywood et celle des camps d’extermination n’affectent pas la pugnacité de Moïse. Si, dans le milieu du cinéma, il découvre des situations qui le dérangent, dans la précarité de sa nouvelle existence, il puise la force de tenter l’impensable.
Dans cet album, l’auteur donne une vision du monde du cinéma, une vision mercantile certes, mais y-a-t-il un autre regard pour cet univers ? Il montre les arrangements que l’industrie a mis en place pour continuer à vendre ses productions. Et quand il s’agit de faire de l’argent, aucun moyen ne peut être négligé.
Une large partie est consacrée aux événements qui ont amené à La Nuit de cristal, ses conséquences pour une population et les moyens de faire des reportages pour dénoncer la véritable face du régime nazi. La partie du récit qui se déroule à Sobibor montre la volonté de quelques individus, quelle que soit la situation, de chercher à s’en soustraire. Mais, avec ce camp, on est assez loin de ce qui transparaît dans les témoignages des rescapés des camps de la mort. Le scénariste veut-il adoucir, ce qui n’est pas précisément son habitude, une certaine image ?
Le graphisme se partage entre Étienne Le Roux et Loïc Chevallier pour le dessin et Elvire De Cock pour la couleur. Ils réalisent tous, dans leur domaine, un travail de belle qualité, donnant des personnages réalistes, parfaitement identifiables quel que soit le cadre dans lequel ils évoluent. Les décors sont soignés et offrent une belle vitrine aux différentes actions, que celles-ci se déroulent dans un studio de tournage ou lors d’une fête fastueuse, camouflet à l’austérité imposée au peuple.
Avec Les Frères Rubinstein, les auteurs donnent une série passionnante, riche en données historiques et en actions ; les caractères opposés des deux frères permettant de belles péripéties.
serge perraud
Luc Brunschwig (scénario), Étienne Le Roux et Loïc Chevallier (dessin), Elvire De Cock (couleur), Les frères Rubinstein — t.05 : Un pacte avec Satan, Delcourt, coll. “Histoires et Histoires”, mai 2023, 72 p. — 15,95 €.